Montréal

Des personnalités noires oubliées de l’histoire montréalaise 

Les noms des rues, places et parcs montréalais honorent des grandes figures qui ont marqué l’histoire, notamment sur les plans politique, scientifique ou encore culturel. Or, certaines personnalités issues de la communauté noire montréalaise qui ont eu un impact sur leur époque respective ont fait leur apparition tardivement dans la toponymie de la métropole ou n’y apparaissent tout simplement pas du tout. Métro revient sur ces grands oubliés de l’histoire. 

Lewis Howard Latimer 

Considéré comme l’un des plus grands dessinateurs industriels et inventeurs de son époque, Lewis Howard Latimer fait partie de la catégorie des personnalités historiques de la communauté noire dont le nom ne figure pas encore dans l’espace urbain de la métropole. 

Ayant travaillé aux côtés de Thomas Edison, Lewis Howard Latimer a entre autres contribué à concevoir les premières ampoules électriques destinées à l’éclairage des villes. C’est même lui qui a proposé à Edison d’utiliser des fils de carbone afin d’améliorer leur utilisation, alors que l’inventeur américain utilisait des fils de bambou.

Une photographie de Lewis Howard Latimer en 1882. (Source: Wikimedia Commons)

Fait historique peu connu, Lewis Howard Latimer a lui-même supervisé la mise en place de l’éclairage de Montréal. L’inventeur d’origine afro-américaine a même appris le français pour mieux coordonner les efforts de ses ouvriers. 

«Sa contribution à Montréal est remarquable, mais ce qui est notable, c’est aussi son attitude. C’est un Américain qui est venu travailler ici et qui a compris que pour mener le projet de la meilleure des façons, il fallait qu’il parle la langue des ouvriers: le français», explique Édouard Staco, président du Sommet socio-économique pour le développement des jeunes des communautés noires. 

Alexander Grant 

Considéré comme une icône historique de l’activisme noir au Canada, Alexander Grant arrive des États-Unis en 1830. S’établissant dans le Vieux-Port, il rassemble des membres de la communauté noire en compagnie desquels il commence à envoyer des lettres aux journaux montréalais exprimant l’importance de l’abolition de l’esclavagisme. 

Ses premières lettres sont aujourd’hui vues comme étant l’un des premiers gestes de protestation et de revendication posés par la communauté noire au Canada. 

Aujourd’hui, le nom d’Alexander Grant ne se retrouve nulle part dans la toponymie montréalaise. 

«C’est un nom qui revient souvent et qui devrait être inclus dans le paysage urbain de Montréal, de par l’importance historique de ses actions», soutient Rito Joseph, fondateur de Black Montreal Experiences.

Marie-Josèphe Angélique 

Esclave noire ayant été vendue à un marchand de la Nouvelle-France à Montréal, Marie-Josèphe Angélique est accusée d’avoir provoqué l’incendie de Montréal de 1734 et est exécutée sur la place publique la même année. La seule preuve ayant justifié sa condamnation serait le témoignage oculaire d’un enfant de cinq ans. 

Icône de la résistance contre l’esclavage au Canada, le nom de la femme d’origine afro-américaine figure déjà dans la toponymie de la ville. La place Marie-Josèphe-Angélique risque cependant de perdre de son unicité puisqu’elle se retrouvera à proximité d’un plus grand projet: la place des Montréalaises.

Pour Édouard Staco, une place à part entière devrait être dédiée à Marie-Josèphe Angélique.

«Dans l’esprit collectif, elle ne sera pas aussi présente que si elle avait une place unique. Il faudrait corriger ça de façon urgente.» 

Dans la toponymie, il ne s’agit pas juste de mettre un nom quelque part; il faut choisir un endroit significatif. Il faut être sûr que ça valorise et que cela a des bienfaits.

Édouard Staco, Président du Sommet socio-économique pour le développement des jeunes des communautés noires.

Nommer une rue, un processus long et complexe

Chaque année, une trentaine de nouvelles dénominations apparaissent dans la métropole pour honorer une personne qui a marqué l’histoire. 

Parmi les 95 nouvelles dénominations attribuées par la Ville depuis 2016, 33 toponymes, soit 35%, mettent en valeur l’apport de personnes immigrantes ou racisées. 

«La toponymie est une affaire de société et je pense que les citoyens ont un rôle à jouer», explique l’historienne Diane Archambault-Malouin, qui a travaillé à la Commission de toponymie de la Ville de Montréal pendant plusieurs années. 

La Ville indique qu’elle travaille actuellement à l’élaboration d’un Cadre d’intervention en reconnaissance afin d’aborder les questions touchant à la reconnaissance des minorités, tout en permettant d’inclure progressivement l’apport du public dans les propositions de dénominations. 

Chaque proposition de nom doit cependant traverser de nombreuses étapes avant de pouvoir être inscrite sur un panneau visible dans l’espace urbain. 

Par exemple, un toponyme ne peut référer à une personne vivante ou décédée depuis moins d’un an, ni être utilisé à des fins publicitaires. 

Les arrondissements, les services municipaux ou encore les citoyens peuvent soumettre des propositions de noms. Celles-ci seront ensuite étudiées par le Comité de toponymie de la Ville de Montréal, puis par la Division du patrimoine et par la Commission de toponymie du Québec. Celle-ci est le dernier maillon avant l’officialisation des nouveaux toponymes. 

Alors que les dossiers concernant la toponymie de Montréal restent en suspens en attendant l’adoption du Cadre d’intervention en reconnaissance, la Ville explique qu’une vingtaine de noms en lien avec l’histoire des Noirs sont dans la banque prévisionnelle de noms. 

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