Considérant le passé esclavagiste de James McGill, fondateur de l’université du même nom, l’Association de la diaspora africaine du Canada demande à la Société de transport de Montréal (STM) et à la Ville de Montréal que la station de métro McGill soit rebaptisée.
En juillet dernier, la Diaspora africaine du Canada (ADF/FDA-CANADA) a déposé une demande de changement de nom pour la station McGill au conseil d’administration de la STM. La STM indique toutefois qu’une résolution adoptée en 2006 par le conseil d’administration l’empêche d’accorder une demande de changement de nom des stations de métro. C’est la raison énoncée dans la réponse envoyée à la ADF/FDA-CANADA, dont Métro a obtenu une copie.
«Cette résolution a été adoptée, suite entre autres, à une consultation auprès du Conseil du patrimoine de la Ville de Montréal et à un examen des diverses facettes historiques, patrimoniales, politiques et socio-économiques pouvant découler des changements de nom des stations. Les noms actuels des stations de métro font partie intégrante du patrimoine historique de la toponymie montréalaise», affirme la cheffe de la division information et service à la clientèle à la STM, Martine Ouellet, dans la lettre.
Dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs, l’ADF/FDA-CANADA relance le débat.
De la «mauvaise foi», selon l’ADF
Le porte-parole de l’ADF/FDA-CANADA, Thierry Kueviakoe, estime que la STM est de «mauvaise foi» et qu’elle manque de considération et de respect envers la communauté afrodescendante et envers «toutes les personnes qui sont contre le racisme».
Il rappelle que James McGill a été propriétaire d’au moins cinq esclaves et a vendu au moins deux esclaves noirs. Selon M. Kueviakoe, chaque personne noire qui entend le nom de McGill ou qui passe par la station du même nom vit un traumatisme perpétuel. «Rappelons que beaucoup de nos membres utilisent le transport public à Montréal», souligne-t-il.
La STM ne doit pas faire la promotion de ces genres de personnes qui ont marqué négativement notre société et plus particulièrement la communauté des personnes d’ascendance africaine.
Thierry Kueviakoe, porte-parole de l’Association de la diaspora africaine du Canada
L’ADF/FDA-CANADA étudie la possibilité de lancer une pétition pour exiger le changement de nom. Bien qu’elle n’ait encore soumis aucun nom de remplacement, l’association pense pouvoir en trouver un par consultation.
Lettre ouverte à la mairesse
Au début de février, un mois dédié à l’histoire des Noirs, l’ADF/FDA-CANADA a fait parvenir une lettre ouverte à la mairesse de Montréal, Valérie Plante.
Selon les demandeurs, la Ville de Montréal a une «responsabilité non négligeable» concernant la décision de débaptiser la station McGill. «Beaucoup de personnes noires et de la diaspora africaine en général utilisent le transport en commun à Montréal, nous demandons purement et simplement la dignité et le respect», indiquent-ils dans leur lettre.
Mais la réponse a été la même qu’en juillet 2021: en vertu d’une résolution adoptée par son conseil d’administration, la STM ne permet aucun changement aux noms existants, puisqu’ils font partie du patrimoine historique et de la toponymie montréalaise.
De son côté, le cabinet de la mairesse Valérie Plante affirme que la Ville n’a aucun pouvoir sur le changement de nom des stations de métro. «C’est la STM qui possède la compétence pour choisir les noms des stations, car les infrastructures lui appartiennent et l’ensemble des dossiers de modifications de noms doivent émaner d’une résolution adoptée par le conseil d’administration de la STM», précise l’attachée de presse Marikym Gaudreault.
Par ailleurs, elle souligne que la station McGill doit son nom à sa proximité avec l’avenue McGill College et permet de localiser l’Université McGill. «Avec le développement ultérieur du réseau, il a été convenu que les noms des quatre autres grandes universités implantées dans la région montréalaise soient tous inscrits dans la toponymie des stations de métro: station Université-de-Montréal, station Guy-Concordia, station Berri-UQAM et station Longueuil–Université-de-Sherbrooke», ajoute Mme Gaudreault.
L’administration a toutefois souhaité réitérer son soutien envers la communauté afrodescendante et qu’elle s’est fermement engagée à lutter contre le racisme et toutes formes de discriminations systémiques. «C’est un travail de longue haleine, des changements structurels et systémiques sont nécessaires et la Ville y travaille», dit-on.
Le passé esclavagiste de James McGill
Selon les informations du site de l’Encyclopédie canadienne, James McGill a effectivement participé au commerce des personnes noires et autochtones réduites à l’esclavage. «Ses réalisations ne peuvent être dissociées du fait qu’il a pratiqué l’esclavage des personnes noires et autochtones et tiré profit de cette pratique», indique-t-on.
Les sources historiques indiquent que McGill possédait au moins cinq esclaves dans sa propre maison et qu’il en a vendu au moins six. Devenu marchand prospère, il a lui-même pris part au commerce et à l’importation de marchandises produites par des esclaves dans les plantations des Antilles.
Sur son site, l’Université McGill reconnaît que la fortune qui a permis sa fondation provient en partie des revenus que James McGill a tirés du système économique colonial et de ses échanges commerciaux avec des producteurs esclavagistes des Antilles.