L’usine d’équarrissage de Sanimax, située à Rivière-des-Prairies, a obtenu un sursis de la Cour supérieure du Québec qui lui permettra de dépasser les normes de rejets d’azote ammoniacal dans les eaux montréalaises jusqu’en 2024.
Sanimax œuvre principalement dans l’équarrissage des sous-produits de l’industrie de la transformation du porc et du poulet. Cette activité produit de l’azote ammoniacal, un contaminant toxique pour la vie aquatique.
Depuis des années, les concentrations d’azote ammoniacal déversées par Sanimax dans l’ouvrage d’assainissement des eaux de la Ville sont «significativement supérieures à la norme maximale prévue par le règlement sur l’assainissement des eaux» de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), malgré les efforts déployés par l’entreprise pour respecter le règlement, selon la Cour supérieure.
En 2015, l’entreprise avait ainsi demandé à la Ville de Montréal une dérogation permettant de dépasser les normes concernant les déversements d’azote ammoniacal, dérogation qui lui a été refusée.
La Cour supérieure du Québec a cependant récemment annulé la décision de la Ville, tel que l’a d’abord rapporté La Presse.
Le Tribunal a toutefois accordé à la Ville une demande d’injonction forçant Sanimax à respecter les normes de rejet d’azote ammoniacal dans l’eau. Elle serait cependant appliquée en mai 2024, un délai qui permettrait à l’entreprise de déployer une solution qui respecte la norme.
Une injonction appliquée dès maintenant aurait eu comme conséquence la cessation immédiate des activités de l’usine de Sanimax, causant «des effets perturbateurs néfastes sur l’ensemble de la filière alimentaire québécoise», défend le juge Frédéric Pérodeau.
Des motifs insuffisants, selon la Cour
Dans son jugement, le Tribunal stipule avoir annulé la décision de la Ville puisqu’elle n’est pas raisonnable. La Ville aurait simplement justifié son refus à Sanimax en lui indiquant qu’elle «a adopté comme position de ne consentir aucune entente de dérogation à la norme d’azote ammoniacal».
Ce refus «n’est pas raisonnable en ce que ses motifs ne le justifient pas de manière transparente et intelligible», plaide le juge. Selon lui, les «brefs motifs» avancés «sont insuffisants à une époque où tous s’entendent sur la nécessité de développer et de renforcer une culture de la justification».
Le tribunal juge cependant que renvoyer l’affaire à la Ville pour réexamen se solderait inévitablement par un refus à la demande de Sanimax.
Des répercussions sur l’environnement
L’azote ammoniacal déversé par Sanimax dans la Station d’épuration Jean-R.-Marcotte se retrouverait «directement dans le milieu récepteur, à savoir le fleuve Saint-Laurent», puisque la station d’assainissement n’a pas la capacité de le traiter.
«Les déversements de Sanimax ont nécessairement des répercussions sur le milieu récepteur et l’environnement», lit-on dans le jugement.
On précise toutefois que «l’effluent de la Station d’épuration Jean-R.-Marcotte n’est actuellement pas toxique et respecte le critère de toxicité aiguë qui lui est applicable».
«Ce nouveau jugement confirme que la Ville de Montréal a encore adopté une attitude contreproductive à notre égard. Bien conscient de nos responsabilités dans la chaîne agroalimentaire, le Tribunal nous confirme que nous avons agi de manière diligente en déployant de nombreux efforts pour parvenir à une solution respectant les normes règlementaires applicables à l’azote ammoniacal», réagit Sanimax par courriel.
La Ville de Montréal a refusé de commenter le dossier, puisque le délai d’appel de ce jugement n’est pas expiré.
La mairesse de l’arrondissement Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles, Caroline Bourgeois, soutient par courriel qu’il s’agit d’«une bonne nouvelle que la Cour force Sanimax à respecter les normes environnementales de la Ville de Montréal quant aux rejets à l’eau » d’ici 2024.
La CMM a récemment adopté un règlement sur les rejets à l’atmosphère, qui serait contraignant pour Sanimax, et dont l’approbation du gouvernement du Québec est toujours attendue. Dans ce contexte, la mairesse croit que « plusieurs enjeux avec l’usine de Sanimax devraient être réglés dans les deux prochaines années ».