L’Office national du film du Canada propose de découvrir les visions singulières de trois cinéastes de la relève issus des communautés ethnoculturelles ayant participé au premier laboratoire de création Alambic de son Studio d’animation du Programme français.
Dans une ambiance collaborative, les trois artistes diplômés de l’École de cinéma Mel-Hoppenheim de Concordia ont concocté, en six mois, des récits animés de moins de trois minutes en puisant dans leur expérience et leur imaginaire personnels.
La collection Alambic propose ainsi les films Terre ferme de Beatriz Carvalho, Alchimie moderne de Bren López Zepeda et Par vents et marées de Bogdan Anifrani-Fedach. Ce dernier a par ailleurs été sélectionné au Festival du nouveau cinéma 2022 à Montréal et au Festival d’animation de Los Angeles.
Exprimer sa force
«Laissez-moi être fragile et joyeuse», souffle Bren López Zepeda dans son film Alchimie moderne, qui met de l’avant sa force et son courage pour traverser les épreuves.
La réalisatrice mexicaine utilise une palette de couleurs vibrantes et des images animées en 2D pour nous entraîner dans sa quête de paix intérieure, marquée par la résilience, la reconstruction et la renaissance.
«Je voulais représenter de manière symbolique le fait que, en tant que fille unique d’une mère immigrante, j’ai porté beaucoup de poids sur mes épaules lorsqu’elle est tombée malade», nous confie la résidante de Côte-des-Neiges.
La cinéaste intègre aussi dans son film une réflexion sur l’espoir et la force des gens pour faire face aux épreuves durant la pandémie.
Le cinéma donne l’occasion de raconter des histoires personnelles, qui viennent chercher les personnes qui ont vécu des expériences similaires.
Bren López Zepeda, arrivée au Québec à l’âge de 11 ans avec sa mère
Mme López Zepeda travaille dans le domaine du cinéma d’animation depuis 2017 et a collaboré à de nombreux projets de stop-motion et d’animation avec l’ONF et plusieurs maisons de production au Québec. Elle s’intéresse au cinéma et à l’art queer révolutionnaire et imparfait.
Libérer sa voix
«Je cherche souvent mes mots, je me perds dans ma pensée. Ce film était donc l’occasion pour moi d’explorer et d’exprimer ma façon de structurer une idée», explique Bogdan Anifrani-Fedach, cinéaste résidant à Côte-des-Neiges.
Explorant le conscient, l’inconscient et le soi, son film Par vents et marées plonge de manière expérimentale dans le processus à l’origine de la naissance d’une idée. Il s’agit, pour le cinéaste, de mettre en lumière comment celle-ci prend forme et se libère.
Utilisant une technique d’animation traditionnelle à l’ordinateur et sous la caméra, l’artiste d’origine togolaise et ukrainienne nous plonge dans un univers fébrile où la voix se construit à partir d’un amalgame de murmures et de chuchotements.
Le fait d’avoir déménagé plusieurs fois et d’avoir été en contact avec plusieurs langues en même temps a eu une influence sur qui je suis aujourd’hui.
Bogdan Anifrani-Fedach, arrivé au Québec en 2002 à l’âge de 9 ans
«J’ai réalisé que mon film allait manquer de structure si je représentais ma façon de penser: cela aurait été trop chaotique, alors j’ai décidé de rendre mon film plus figuratif», nous confie le cinéaste, qui a travaillé sur plusieurs œuvres d’animation et réalisé quatre courts métrages depuis 2018, dont DiM, sélectionné par plusieurs festivals, dont le Festival d’Annecy.
Un journal intime
Recourant à la technique du monotype pour créer l’univers de son film Terre ferme, Beatriz Carvalho nous immerge dans l’imaginaire nostalgique d’une femme immigrante de retour dans son pays d’origine.
À travers une palette de couleurs douces et des formes subtiles qui donnent l’impression de flotter sur l’écran, elle nous offre un récit de voyage poétique et sonore, et nous révèle ses pensées et le sentiment qui l’habite d’être à la fois ailleurs et chez soi.
«La sonorité était la base pour construire le scénario de mon film autobiographique parce que l’environnement sonore est très présent chez nous», lance la cinéaste brésilienne, qui a créé une expérience sensorielle à partir de sons qu’elle a elle-même enregistrés à la plage, au marché, dans la forêt et dans sa famille, au Brésil.
Mme Carvalho transmet dans son œuvre le sentiment qui habite beaucoup d’immigrants se trouvant en quête d’identité entre leur pays d’accueil et leur bercail.
Quand on se construit une nouvelle identité dans un nouveau pays, on a toujours l’espoir d’arriver à sentir qu’on y appartient complètement. En même temps, quand tu rentres dans ton pays, tu vois que le temps a passé et que tout a changé.
Beatriz Carvalho, ancienne résidente du Plateau-Mont-Royal, établie au Québec depuis 2012
Avant de créer ce court métrage, la cinéaste et illustratrice a réalisé trois courts métrages d’animation, sélectionnés dans plusieurs festivals au Brésil, en Europe et en Australie. Elle développe actuellement son premier court métrage d’animation documentaire, Le temps dans un corps qui part.
Une expérience collaborative marquante
«Alambic est un projet qui nous a enseigné à écouter, à collaborer et à partager. J’ai beaucoup appris de mes collègues en les voyant faire leurs films», dit Mme Carvalho.
«Le processus était intense, mais les échanges et le soutien moral de nos mentors, notre productrice et de mes collègues m’ont beaucoup aidé à pousser ma structure et ma créativité», souligne pour sa part M. Anifrani-Fedach.
«Le soutien et la disponibilité de ressources techniques de l’ONF nous ont permis de nous concentrer sur la création et la réalisation de nos œuvres. Mon projet est meilleur grâce aux conseils et commentaires de mes collègues», affirme Mme López Zepeda.
Les trois films de la collection Alambic, produits par Anne-Marie Bousquet, sont disponibles en première mondiale sur le site web de l’ONF dès maintenant.
Ce texte a été produit dans le cadre de L’Initiative de journalisme local.