Pendant 12 heures d’affilée, à la Clinique juridique de Saint-Michel (CJSM), la parole est aux personnes noires victimes de profilage racial de la part de la police. Il s’agit du 3e marathon du CJSM animé par l’humoriste Renzel Dashington. L’événement nommé «Lumière sur le profilage racial» se déroule sur la page Facebook de la Clinique et le compte Instagram de l’artiste.
Une cinquantaine de témoignages sont attendus jusqu’à 22h ce soir. « Trouver des témoignages, ce n’est pas le plus difficile. C’est le temps pour les entendre qu’on n’a pas », nuance le président de la CJSM, l’avocat Fernando Belton en entrevue avec Métro.
Si les témoignages sont nombreux, les plaintes ne le sont pas tout autant, observe Me Belton. Plusieurs raisons pourraient expliquer cette réticence à se défendre devant les tribunaux. « Soit qu’ils ne savent pas comment exercer leurs recours ou qu’ils ne souhaitent pas avoir affaire avec la police au-delà de l’intervention initiale », explique l’homme de loi.
Certaines victimes n’ont tout simplement pas les moyens de se payer un avocat. D’autres ne croient pas que la démarche aboutira.
Le plus dur, c’est que les statistiques ne leur donnent pas tort. La vérité est que peu de personnes réussissent à gagner.
Fernando Belton, avocat et président de la Clinique juridique de Saint-Michel
Le 636 problématique
La plupart des plaintes pour profilage racial en déontologie sont portées à la suite d’une interpellation policière jugée abusive par la personne visée. Faire la démonstration que le policier a agi à l’encontre du code déontologique à travers la carte d’appel, le rapport d’événement ou encore les notes personnelles du policier relève souvent de l’exploit pour les victimes qui n’ont pas accès à ces données.
L’article 636 du Code de la sécurité routière est considéré par les victimes comme une sorte de machine à profiler. Il précise qu’un «agent de la paix, identifiable à première vue comme tel, peut […] exiger que le conducteur d’un véhicule routier immobilise son véhicule. Le conducteur doit se conformer sans délai à cette exigence».
Il y a des zones grises, comme la question de l’interception 636. On sait qu’il y a des enjeux avec ça. Nous ce qu’on dit, c’est qu’on est en faveur de baliser les pouvoirs des policiers.
Marie-Ève Bilodeau , secrétaire générale du Commissaire à la déontologie, en entrevue avec Métro.
Or, en matière de plainte en déontologie, la loi parle de «mort ou blessures graves» pour qu’une doléance soit recevable, ce qui exclut presque automatiquement les dossiers de profilage racial ou d’interpellation avec biais, entre autres.
« C’est là où la loi n’est pas claire. La discrimination peut laisser des blessures tout aussi graves au niveau psychologique, mais ce texte législatif ne le prévoit pas », affirme Marie-Ève Bilodeau, secrétaire générale de l’organisme Commissaire à la déontologie.
La loi, à l’époque où elle a été écrite, ne considérait pas les blessures psychologiques comme étant graves, fait remarquer Marie-Ève Bilodeau, qui dit pourtant que «lorsque les policiers ont des pouvoirs discrétionnaires et qu’ils interviennent avec des biais, c’est sûr que cela peut avoir un impact sur les citoyens».
« La contestation du jugement Yergeau permet aux policiers de continuer à utiliser cet article », regrette par ailleurs l’avocat Fernando Belton.