Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.
Ligne d’autobus 51, direction ouest. Nous sommes jeudi, il est 19 h 40.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais il me semble que Noël arrive de plus en plus tôt. Ou alors, c’est mon calendrier de l’avent qui est détraqué.
Le fait que j’ai été absente ces dernières semaines exacerbe peut-être aussi ce sentiment d’ellipse. Le départ s’est fait sur fond de citrouilles aux visages cramoisis, attendant à la ruelle que le camion de vidanges vienne n’en faire qu’une bouchée. Les trottoirs étaient alors secs, et quelques feuilles s’agrippaient encore de toutes leurs forces aux branches frissonnantes.
Et voilà qu’au retour tout est blanc, et ceux qui n’ont pas leurs pneus d’hiver le regrettent amèrement.
Malgré ce décor franchement hivernal, je suis étonnée de voir entrer dans le bus un homme chargé d’un petit sapin bien joufflu (le sapin, pas le monsieur). Il s’est aussi procuré des guirlandes de lumières qu’on peut distinguer à travers le sac de plastique d’une quincaillerie. Il semble tout content de ses achats. Il reste debout, se servant de l’arbre comme d’un poteau. Il a cet air du gars qui cette année ne s’est pas fait prendre!
Combien de fois est-il arrivé parmi les derniers chez le marchand d’arbres, le 23 décembre, avec pour seuls choix des petits chicots aux tristes et rares épines? Idem pour les rayons de divers commerçants où les lumières étaient carrément en rupture de stock. Avec beaucoup de chance, il tombait sur des boîtes éventrées desquelles dépassaient des ampoules aux couleurs criardes ou blafardes dont personne n’avait voulu. L’année dernière encore, ce sont des loupiotes faussement ambrées, voire plutôt brunes, qui avaient «éclairé» le chétif arbuste de manière aussi peu convaincante que peu festive.
Mais cette année, l’homme est en paix. Non seulement son salon brillera-t-il de mille feux joyeux, mais surtout, surtout, il arrive à Noël parmi les premiers. On ne lui reprochera pas, pour la centième fois, d’être à la dernière minute. Et, pour couronner sa joie, comme il déteste cette fête, il sera aussi en tête de file quand viendra le temps de mettre à la ruelle l’auguste sapin.
Là même où s’était retrouvé la citrouille d’Halloween, il n’y a pas si longtemps.