Santé Cannabis, la première clinique qui se spécialise dans l’usage de la marijuana à des fins thérapeutiques, vient d’ouvrir officiellement à Montréal.
Les médecins associés à la clinique, située près du Village gai, évaluent les besoins des patients, font des prescriptions et effectuent des suivis sur les effets de ces derniers.
«Il existe plus de 30 types de cannabis séché, qui n’ont pas tous le même effet. Nous déterminons celui qui convient à chaque patient ainsi que la posologie adéquate, et nous l’informons des effets secondaires et des contre-indications», a expliqué le Dr Michael Dworkind, directeur médical de Santé Cannabis.
Il n’y a aucune vente de marijuana sur place, puisque Santé Canada oblige les personnes éligibles à s’approvisionner à l’un des quelques producteurs autorisés du pays. La clinique est toutefois dotée d’une cuisine où des intervenants animent des ateliers culinaires intégrant la fameuse substance.
Selon Adam Greenblatt, directeur général de la clinique, celle-ci était nécessaire étant donné le très peu de services de ressources existants pour aider les usagers de marijuana médicale.
Pour le Dr Dworkind, spécialiste en soins palliatifs et en contrôle de la douleur, il est indéniable que la consommation de cannabis est notamment utile contre la douleur, les nausées, l’anxiété, le manque d’appétit et le manque de sommeil. Cette opinion est basée sur ses observations et sur une revue de la littérature sur le sujet. Il reconnaît toutefois qu’il n’y a pas d’étude d’envergure ayant prouvé l’efficacité de ce traitement. «C’est un produit sur lequel les pharmaceutiques ne se penchent pas parce qu’il n’y a pas de droit de propriété intellectuelle impliqué et donc pas d’argent à faire», a soulevé le médecin.
Une bonne partie de la clientèle de la clinique est déjà acquise, puisqu’elle s’est développée tranquillement depuis mars dernier à partir des patients du Dr Dworkind et de ses collègues. «On était déjà ouvert depuis ce temps-là, mais on était en période d’ajustement. Là, on est vraiment près à accueillir les patients», a expliqué M. Greenblatt.
Les patients doivent être référés à la clinique par leur médecin traitant ou doivent fournir un dossier détaillé relatant leur histoire médicale. Par ailleurs, la majorité des patients de la clinique souffrent de douleur chronique.
C’est le cas de Jerry, qui était sur les lieux lors du passage de Métro. Suite à une chute de près de 10 mètres, il est resté neuf mois à l’hôpital. «J’étais toujours sur la morphine et les anti-inflammatoires, qui me causaient plein d’effets secondaires difficiles à supporter, a-t-il témoigné. Mon médecin m’a alors suggéré d’essayer la marijuana. J’ai rapidement eu moins de douleurs et ma jambe a commencé à dégonfler.» Il a obtenu une prescription d’un médecin de la clinique en juillet dernier.
Le Collège des médecins a indiqué qu’il récolterait de l’information afin de s’assurer que la clinique respecte les normes en place. Le Collège estime qu’il n’existe pas de preuve fiable de l’efficacité du cannabis pour soulager la douleur, étant donné le peu de recherches s’étant penchées sur la question. Les tribunaux ont toutefois statué que les Canadiens doivent avoir accès à une source légale de marijuana lorsqu’ils ont une recommandation de leur médecin à cet effet, et le Règlement sur la marijuana à des fins médicales adopté en mars 2014 oblige ceux qui veulent s’en procurer de façon légale à obtenir une prescription. Le Collège des médecins a de son côté exigé que les prescriptions se fassent dans le cadre d’un protocole de recherche, qui doit être mis en place dès janvier.
«Je pense que les initiateurs de cette clinique sont un peu pressés, a indiqué Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins. Ils auraient pu attendre de pouvoir inscrire les patients dans notre programme.» M. Robert s’est aussi demandé si des intérêts commerciaux n’étaient pas derrière cette ouverture.
Sur ce dernier point, M. Greenblatt a assuré que la clinique n’était pas financée par des producteurs de marijuana. Par ailleurs, les consultations médicales de la clinique sont payées par la Régie de l’assurance maladie du Québec, alors qu’il en coûtera 250$ par année pour y profiter des services de soutien et de suivi.