OTTAWA — Après la droite religieuse, Martine Ouellet dénonce ce qu’elle perçoit comme une montée de la gauche religieuse.
Elle attaquait ainsi la candidature de Jagmeet Singh, un sikh pratiquant, à la chefferie du Nouveau Parti démocratique (NPD), qui suscite un malaise chez certains militants québécois.
«Il dit: « moi, j’ai des valeurs progressistes », mais finalement, ce qu’il affiche, ce sont des valeurs religieuses, a-t-elle affirmé lundi. Ce n’est pas la même chose.»
«Là, ce qu’on se rend compte, après avoir vu la droite religieuse, il semble y avoir une montée de la gauche religieuse.»
Jagmeet Singh n’a pas voulu réagir aux propos de Martine Ouellet.
Il a souligné dans un discours dimanche qu’il croyait «fermement dans la séparation de la religion et de l’État» et qu’il partageait les valeurs progressistes des sociaux-démocrates.
Des propos ambigus, selon Martine Ouellet, pour qui le turban et le kirpan que porte M. Singh sont une façon de faire la promotion de sa religion.
Elle l’a sommé de respecter la volonté de l’Assemblée nationale du Québec sur la laïcité de l’État. Le gouvernement québécois compte adopter le projet de loi 62 sur la neutralité religieuse de l’État.
Ce projet de loi vise à encadrer la livraison et la réception de services publics à visage découvert ainsi que les demandes d’accommodement.
Jagmeet Singh s’oppose à ce projet de loi qui, selon lui, brime les libertés de la personne. Il a déjà affirmé dans une entrevue accordée au HuffPost qu’il serait prêt à soutenir des groupes qui le contesteraient.
Il a ensuite nuancé ses propos à la suite du débat des candidats à Montréal tenu à la fin août, en spécifiant qu’il n’utiliserait pas des fonds fédéraux pour contester la loi québécoise sur la neutralité religieuse de l’État.
Tous les candidats à la direction du NPD sont en désaccord avec le projet de loi 62. Niki Ashton déjà a dit qu’elle contesterait cette loi québécoise si elle devenait première ministre parce qu’elle la juge contraire aux principes de la Charte canadienne des droits et libertés.
Charlie Angus croit que le débat sur la laïcité de l’État débouchera sur une position équilibrée. Guy Caron, le seul candidat québécois, a déjà dit qu’il respecterait l’autonomie du Québec et ne s’ingérerait pas dans ses affaires législatives, malgré son désaccord.
Martine Ouellet estime que les prises de position de trois des quatre candidats démontrent que le NPD est «complètement déconnecté du Québec».
«Quelle gauche religieuse?»
Les propos de Martine Ouellet ont surpris le député néo-démocrate François Choquette.
«Il n’y a pas une gauche religieuse. Il y a une gauche point. Il y a des idées progressistes point», a-t-il réagi, l’air éberlué.
Les commentaires de la chef du Bloc québécois surviennent quelques jours après ceux du député néo-démocrate Pierre Nantel. Celui-ci a affirmé samedi que les Québécois n’accepteraient pas un chef de parti qui porte un signe religieux ostentatoire.
«Je pense qu’il a un bon point», a dit le député Roméo Saganash lundi en s’engouffrant dans la Chambre des communes.
Contrairement à M. Saganash, plusieurs autres députés du caucus québécois du NPD ont indiqué qu’ils n’adhéraient pas aux propos de Pierre Nantel.
François Choquette, qui appuie Niki Ashton dans la course, s’est dit «écoeuré» d’entendre des histoires sur les Québécois qui seraient moins accueillants.
«Ce qui est important, c’est les idées qu’il (M. Singh) va apporter», a-t-il poursuivi, en précisant que les gens s’y intéresseraient une fois passée la curiosité que suscite le turban.
«L’habit ne fait pas le moine, a souligné Karine Trudel, qui a déjà donné son appui à Guy Caron. On est dans un débat d’idées, on est dans un débat d’enjeux et on doit laisser la chance à cette personne-là d’être connue et de se faire connaître s’il devient notre chef.»
Pour le député Matthew Dubé, la séparation entre l’Église et l’État se démontre par des gestes. «Je regarde M. Singh, il est pro-choix, il est en faveur des droits de la communauté LGBT, donc il ne laisse pas sa religion dicter ses politiques», a-t-il dit. M. Dubé a choisi de demeurer neutre durant la course.
Le chef néo-démocrate Thomas Mulcair n’a pas voulu s’ingérer dans la course à la direction du NPD, mais il a rappelé que ce qui importait pour lui, «c’est ce que la personne a dans la tête par opposition à ce qu’elle porte sur la tête.»