MONTRÉAL — À quelques jours d’une décision de Washington sur la C Series de Bombardier, les plus grands syndicats du Canada et du Royaume-Uni estiment que la dispute commerciale entre l’avionneur québécois et Boeing aura des allures de guerre d’usure.
Au terme d’une rencontre avec la direction de Bombardier, mercredi, à Montréal, Unifor et Unite the Union ont estimé que les chances étaient faibles de voir le département du Commerce abaisser ou annuler les droits punitifs décrétés imposés à la C Series.
Washington doit se prononcer lundi sur les droits compensatoires préliminaires et antidumping d’environ 300 pour cent décrétés plus tôt à l’automne à l’endroit de Bombardier (TSX.BBD.B).
«Sans aucun doute, ce dossier va se retrouver auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a lancé le président national d’Unifor, Jerry Dias, au cours d’une mêlée de presse. On ne peut pas compter sur un tribunal de pacotille aux États-Unis pour trancher en faveur de Bombardier.»
Un affrontement devant l’organisation établie à Genève signifierait qu’il faudrait vraisemblablement plusieurs mois, voire des années, avant de dénouer l’impasse.
Unifor et Unite ont exprimé de sérieux doutes quant à la possibilité que la Commission américaine internationale pour le commerce (USITC) rejette, en février, la plainte de Boeing (NYSE:NA) en concluant que la C Series ne lui portait pas préjudice.
Le géant de Chicago allègue que l’avionneur québécois avait vendu des avions de la C Series à Delta Airlines à un prix dérisoire grâce à des subventions obtenues auprès des gouvernements du Québec, d’Ottawa et du Royaume-Uni.
En début de journée, M. Dias avait discuté, accompagné de son directeur québécois Renaud Gagné et du secrétaire général adjoint d’Unite, Steve Turner, avec le président et chef de la direction de Bombardier, Alain Bellemare, pendant environ une heure.
Unifor représente près de 10 000 travailleurs de l’aérospatiale au Canada, dont plusieurs milliers chez des sous-traitants de la C Series.
«Nous n’avons aucune confiance de voir l’administration américaine évaluer (le litige avec Boeing) de façon rationnelle», a lancé M. Turner, lorsqu’interrogé sur ses attentes sur la décision attendue du département du Commerce.
Unite, qui compte 1,42 million de membres au Royaume-Uni, dit représenter environ 3000 des quelque 4200 travailleurs de Bombardier en Irlande du Nord — où sont fabriquées les ailes de la C Series.
Les représentants syndicaux ont notamment rappelé que plus de la moitié des composantes de cette famille d’avions provenait des États-Unis et estimé que le programme générait quelque 22 000 emplois au sud de la frontière.
Craintes apaisées
Après leur rencontre avec la direction de Bombardier, MM. Dias, Gagné et Turner se sont montrés rassurés. Ils ont expliqué qu’en dépit du litige en cours, l’arrivée d’Airbus comme actionnaire majoritaire de la C Series allait stabiliser l’avenir à court et moyen terme du programme de cette famille d’avions.
Bien que la nouvelle chaîne de fabrication de la C Series prévue aux installations d’Airbus à Mobile déplaise à Unifor, M. Dias a estimé qu’il s’agissait du prix à payer pour permettre à la C Series de prendre son envol.
Airbus et Bombardier estiment que cette initiative permettra aux appareils assemblés au sud de la frontière d’échapper aux mesures punitives décrétées par l’administration Trump.
«Nous avions des préoccupations quant aux emplois québécois (les C Series sont assemblées à Mirabel), mais avec de meilleures chances de décrocher des commandes (…) Bombardier affirme qu’il n’y aura pas d’impacts négatifs au Québec», a précisé M. Dias.
Le différend entre Boeing et Bombardier a eu des répercussions politiques, puisque le gouvernement Trudeau a abandonné son idée d’acheter 18 avions Super Hornet de l’avionneur américain en attendant le remplacement de sa vieille flotte de CF-18.
Au cours des prochains jours, MM. Dias et Turner seront à Washington afin de plaider en faveur de Bombardier auprès d’élus et de représentants américains.