QUÉBEC — La commissaire à l’éthique et à la déontologie a ouvert une enquête mardi sur le possible conflit d’intérêts du ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, dans le dossier Bombardier.
Le Parti québécois (PQ) avait demandé cette enquête pour des infractions à différents articles du Code d’éthique et de déontologie de l’Assemblée nationale.
Pierre Fitzgibbon a pour sa part assuré qu’il n’est pas en conflit d’intérêts même si encore tout récemment, il était actionnaire d’un fournisseur de Bombardier, une entreprise qu’il a fermement appuyée dans les dernières semaines.
Le ministre est dans l’eau bouillante depuis qu’il a été révélé qu’il était administrateur et actionnaire de Héroux-Devtek, un sous-traitant du géant québécois de l’aéronautique. C’est une tache à l’image d’intégrité qu’a toujours tenté de projeter la Coalition avenir Québec (CAQ).
M. Fitzgibbon possède 8300 actions dans Héroux-Devtek, un bloc dont la valeur dépasse les 100 000 $. Or cette entreprise fournit des pièces à Bombardier.
En point de presse, le député péquiste de René-Lévesque, Martin Ouellet, a fait valoir que les interventions du ministre ouvrant la porte à un soutien financier du gouvernement pour sauvegarder la gamme d’avions CRJ «ont eu pour effet de favoriser les intérêts financiers de Héroux-Devtek», qui fournit des pièces pour cet appareil.
Le Code de déontologie lui impose de se retirer de ces dossiers tant que la situation n’a pas été régularisée par la commissaire, a poursuivi M. Ouellet. Il lui reproche d’avoir présumé de l’assentiment de la commissaire. En outre, il demande au premier ministre de lui retirer tous les dossiers portant sur l’aérospatiale, «considérant ces conflits d’intérêts».
Dans une entrevue avec La Presse canadienne, l’adjoint exécutif de la commissaire à l’éthique, Pierre-Luc Turgeon, a confirmé que l’organisme se penchait sur la demande.
«On doit prendre connaissance de la plainte et on établit s’il y a matière à enquête» en faisant des vérifications, a-t-il expliqué. Le Parti québécois a plus tard obtenu la confirmation que le commissaire allait ouvrir une enquête.
Avant d’entrer au premier caucus présessionnel de la CAQ mardi matin au parlement, le premier ministre François Legault a répondu brièvement aux journalistes, sans s’arrêter, que son ministre n’était «pas du tout» en conflit d’intérêts.
En point de presse juste avant, M. Fitzgibbon a répété qu’il avait respecté les règles du commissaire à l’éthique, même s’il a laissé planer une certaine confusion.
Il a affirmé que ses actions étaient dans une fiducie sans droit de regard depuis quelques jours, mais a ajouté qu’il ne le savait pas précisément, parce qu’auparavant, elles étaient dans un compte discrétionnaire depuis le 3 octobre en fait, donc depuis qu’il a été élu et qu’il a démissionné de son poste d’administrateur chez Héroux-Devtek.
Pas plus tard que la semaine dernière, M. Fitzgibbon avait laissé savoir que le gouvernement Legault était prêt à réinvestir dans Bombardier, et cela même si l’entreprise a été critiquée pour avoir mis à pied pas moins de 2500 travailleurs récemment.
Néanmoins, le ministre a suggéré que ses propos et ses gestes n’étaient pas dictés par un quelconque intérêt personnel ou financier.
«Les relations entre Héroux-Devtek et Bombardier, c’est marginal, a-t-il dit. (…) Dans (le dossier de) Bombardier, j’avais un seul focus, c’est de m’assurer que les emplois étaient pour être protégés, je ne pense pas qu’il y a un conflit d’intérêts inhérent avec les actions que je vais avoir dans toutes sortes de compagnies.»
Quant à savoir si le premier ministre lui-même était au courant de ses actifs, M. Fitzgibbon a dit qu’il avait déposé son bilan le 2 octobre au commissaire à l’éthique et que «tout le monde est au courant de mes actions». Le ministre a dit être «à l’aise» avec l’ouverture éventuelle d’une enquête.
De son côté, l’opposition officielle libérale a accusé la CAQ d’être incohérente. Le chef libéral intérimaire, Pierre Arcand, a souligné qu’à l’époque où M. Legault était chef de la deuxième opposition, il avait demandé à ce que son rival, le chef péquiste de l’époque, Pierre Karl Péladeau, ne se contente pas de placer ses actions de Québecor en fiducie, mais les vende.
««Maintenant que le ministre de l’Économie de M. Legault se retrouve dans une situation semblable, une fiducie sans droit de regard est acceptable, a écrit M. Arcand dans son compte Twitter. Deux poids, deux mesures.»