Malgré une foule estimée à 500 000 personnes à la Grande marche sur le climat, vendredi, reste-t-il une base climatosceptique au Québec? Oui, croient des experts, mais leur influence sur les élections et le débat public pourrait être facilement enterrée, selon eux.
Sur la question de l’environnement, le Québec «se démarque» du reste du Canada, avance le professeur Erick Lachapelle. Ce dernier enseigne les sciences politiques à l’Université de Montréal (UdeM).
En 2016, puis en 2018, le politologue a mené avec plusieurs collègues un énorme coup de sonde auprès de 9000 membres de l’électorat canadien. Ils en ont retiré plusieurs données éclairantes sur l’opinion publique face aux changements climatiques.
Au Québec, l’équipe de chercheurs estime que 67% de la population a conscience d’un impact humain sur les réchauffements climatiques. Ce chiffre s’abaisse à 47% et à 42% en Saskatchewan et en Alberta, respectivement.
«Le Québec ne produit pas de pétrole, produit majoritairement de l’hydroélectricité. Comparé à l’Alberta… Il y a toute la structure de l’économie qui pourrait venir expliquer ce phénomène», analyse M. Lachapelle.
Même son de cloche chez Emiliano Scanu, sociologue de l’environnement à l’Université Laval. «Le Québec est une province très environnementaliste», soutient-il.
Bruyante minorité
Mais la majorité n’exclut pas que des poches divergentes foisonnent au Québec, estime M. Lachapelle.
«Ce n’est pas vrai que tous les Québécois pensent pareil. Il y a une base de climatosceptiques au Québec» – Erick Lachapelle, professeur en science politique à l’UdeM
«C’est environ 30% de la population qui nie que l’activité humaine cause le réchauffement climatique», ajoute l’expert.
François Geoffroy, l’un des principaux organisateurs de la marche montréalaise pour le climat, est conscient de cette opposition au mouvement.
«Il y a des gens qui sont convaincus que la question du dérèglement climatique est un canular des Chinois. Rendu là, on sait que ce sont des gens pour lesquels on ne peut rien faire», soulève le porte-parole de La Planète s’invite au Parlement.
François Geoffroy ne croit pas à la nécessité de convaincre cette portion de population. «Il y a plein d’études qui démontrent que le meilleur moyen de convaincre les gens peu intéressés ou hostiles à la cause environnementale, c’est d’en parler à leurs enfants et à leurs petits-enfants. En même temps, c’est clair qu’on n’a pas besoin de convaincre tout le monde», convient le militant.
Une marche d’influence
Les experts interrogés ne négligent pas que la marche pour le climat pourrait être une force de changement, même aux élections. «Une mobilisation comme celle-là fait que, tout d’un coup, la question climatique vient occuper l’espace qu’elle devrait occuper étant donné l’ampleur de la crise», avance François Geoffroy.
Erick Lachapelle a récemment mené un autre sondage auprès de 1015 Québécois afin de leur demander si les mouvements étudiants de mars dernier les ont convaincus.
«61% étaient en accord pour dire que ces gestes leur ont fait prendre conscience davantage des enjeux environnementaux», observe-t-il.
«Cependant, moins de la moitié disait que ces actions les incite à s’impliquer personnellement», nuance-t-il.
Dans l’ensemble, croit Emiliano Scanu, les mouvements sociaux et étudiants peuvent influencer le paysage politique. «Si on prend le printemps étudiant [de 2012], c’est un des facteurs qui a porté au départ du gouvernement de Jean Charest», suggère-t-il.