La mairesse Valérie Plante annonçait, hier, son intention d’abroger P-6, un règlement municipal datant de 1969 sur l’encadrement des manifestations et dont les mesures ont été durcies en 2012 par l’administration Tremblay.
Durant le printemps étudiant, les conséquences ont été claires: P-6 a permis plus de répression, d’arrestations, de brutalité et de surveillance, de manière tout à fait arbitraire. D’ailleurs, pas moins de 83% des constats d’infraction remis en vertu de P-6 de 2012 à 2014 ont finalement été retirés.
Lynda Khelil, de la Ligue des droits et libertés, attribue la victoire contre P-6 à l’infatigable travail de manifestant.es arrêté.es, de militant.es, d’avocats progressistes, etc.
«Grâce à toutes ces personnes, ce règlement injuste et illégitime va enfin disparaître», m’a-t-elle dit.
Cette abrogation à venir n’est pas seulement l’aboutissement d’une longue bataille contre un règlement injuste, c’est aussi une étape importante pour l’avenir.
Ici comme ailleurs, les sociétés sont en ébullition. En raison de la crise climatique, mais aussi un ensemble d’autres enjeux socioéconomiques à l’égard desquels les gouvernements échouent lamentablement à se montrer à la hauteur.
En temps de crise, les gouvernements et les forces de l’ordre se braquent et se rabattent habituellement sur davantage de répression.
Les images de brutalité policière qui nous parviennent ces jours-ci de Hong Kong ou du Chili constituent des exemples terrifiants de la violence étatique qui s’abat quand une population descend dans la rue pour exprimer ses revendications.
La possibilité d’occuper l’espace public pour exercer sa citoyenneté est au cœur de la démocratie. Ce sont directement les valeurs démocratiques que l’on affaiblit lorsqu’on permet aux autorités de réduire cet accès.
Lynda Khelil rappelle par ailleurs que le durcissement des règles encadrant l’exercice du droit de manifester est une facette d’un contrôle social plus large. Ce qui est étouffé, ce n’est pas seulement la présence dans les rues, c’est aussi les changements potentiels qui pourraient découler
des mobilisations. C’est une façon de préserver le statu quo, de laisser les injustices intactes.
Ainsi, les mesures de contrôle qui nous sont présentées comme mineures – «Il suffit juste de donner l’itinéraire et de se montrer le visage!» – sont en réalité une porte d’entrée permettant d’enrayer la contestation et de brutaliser impunément.
La Ligue des droits et libertés notait dans un rapport publié en 2015 que l’absence d’itinéraire a servi de prétexte pour empêcher la tenue de plusieurs manifestations, parfois avant même qu’elles ne commencent.
Peu importe ce qu’on pense des mouvements étudiants, anti-capitalistes, anti-coloniaux, environnementaux et autres, tout le monde perd au change quand des moyens d’expression sont confisqués à la population.
Et comme les prochaines années et décennies s’annoncent corsées, il sera vital – si on tient à la démocratie – de protéger coûte que coûte le droit de manifester, de s’exprimer dans la rue, sans entraves et sans coercition.