Plusieurs organismes québécois de différents horizons unissent leur voix pour presser le gouvernement du Québec de mieux encadrer l’aménagement du territoire, alors que l’étalement urbain se fait croissant. Une situation qui contribue à la congestion routière et à la destruction de milieux naturels, préviennent-ils.
«Si on laisse aller [l’étalement urbain] encore 10 ou 20 ans, je ne sais pas de quoi vont avoir l’air nos autoroutes, mais ce ne sera pas drôle», a déclaré le directeur général de la Fondation David Suzuki, Karel Mayrand, en entrevue avec Métro.
Ce dernier fait partie de sept représentants d’organismes spécialisés en environnement et en urbanisme qui signent mercredi une lettre ouverte pour interpeller la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest.
De récentes données de la Communauté métropolitaine de Montréal font état d’un étalement urbain croissant. Depuis 2015, environ 7000 personnes par année quittent le Grand Montréal, qui comprend les couronnes nord et sud de la métropole, pour s’établir dans le pourtour de la région. Elles optent notamment pour Saint-Jérôme ou les municipalités plus éloignées de la Montérégie.
Pendant ce temps, le parc automobile de la région ne cesse de croître, une situation notamment attribuable à la banlieue de Montréal.
«Si on ne fait pas des efforts maintenant pour contrer l’étalement de nos villes, on ne réglera pas le problème de la congestion routière», prévient M. Mayrand.
Le phénomène de l’étalement urbain n’est pas étranger à la croissance de la valeur des propriétés dans les grands centres, en particulier à Montréal.
«Le propriétés valent beaucoup plus cher en ville, donc on se tourne vers la banlieue éloignée. On fait le pari que ça va coûter moins cher de s’éloigner même s’il y a des dépenses pour la voiture», explique le président de l’Ordre des urbanistes du Québec, Sylvain Gariépy.
Terres agricoles
L’étalement urbain menace aussi les milieux naturels et les terres agricoles, qui font la convoitise des promoteurs immobiliers. Cela a notamment pour effet de nuire à la protection de l’environnement et à la résilience des villes face aux inondations.
«Certains terrains appartiennent à des promoteurs qui ne veulent pas les développer parce qu’ils veulent faire monter les prix», souligne le président de l’Union des producteurs agricoles, Marcel Groleau.
D’ici à ce que le gouvernement Legault tienne sa promesse électorale de mettre en place une politique nationale sur l’aménagement du territoire, les organismes pressent donc celui-ci d’imposer une moratoire sur «l’agrandissement des périmètres d’urbanisation». Ils lui demandent par ailleurs de cesser «d’autoriser le dézonage des terres agricoles».
Bien que les terres agricoles soient protégées au Québec, le gouvernement accorde «sans arrêt» des dérogations pour permettre la construction d’immeubles sur ceux-ci, déplore Karel Mayrand.
«C’est tout à fait illogique quand on sait qu’on a déjà assez de place dans les zones urbaines», ajoute-t-il.
«Plus on s’étale sur le territoire d’une municipalité, plus on doit investir dans les services, comme des hôpitaux et des écoles.» -Sylvain Gariépy, président de l’Ordre des urbanistes du Québec
«Le temps presse»
Dans les derniers mois, le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation a reconnu l’ampleur de l’étalement urbain au Québec et de ses effets négatifs. Son Plan stratégique 2019-2023, publié en décembre dernier, précise d’ailleurs que «ce phénomène fait pression sur les terres agricoles et les milieux naturels, nuit à la mixité sociale, en plus d’engendrer des coûts importants en infrastructures publiques».
«Le temps presse. Mais ce qui est positif, au moins, c’est qu’on sent la volonté de la ministre d’agir», estime M. Gariépy.
Par courriel, le cabinet de la ministre Andrée Laforest a rappelé l’intérêt de celle-ci de «tenir une conversation nationale sur l’aménagement du territoire». Aucune date n’a toutefois été mentionnée à cet égard.