La Loi 21 sur la laïcité de l’État continuera d’être appliquée au Québec en attendant une décision sur le fond. La Cour suprême du Canada a statué en ce sens, jeudi.
D’abord déposée en Cour supérieure du Québec par le Conseil national des musulmans canadiens (CNMC) et l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC), la requête en suspens avait été portée à l’attention de la Cour suprême cet hiver.
Le juge Michel Yergeau avait rejeté cette demande, qui visait à empêcher l’application de la Loi d’ici à ce qu’une décision sur le fond soit rendue. La requête avait toutefois été entendue en Cour d’appel.
Dans une décision partagée, la Cour d’appel du Québec a conclu en décembre dernier qu’elle ne pouvait pas non plus mettre un frein temporaire à la controversée mesure législative.
Quelques jours plus tard, l’ACLC et la CNMC ont fait une ultime demande à la Cour suprême pour qu’elle s’attaque à la précédente décision de la Cour d’appel.
La décision de jeudi matin signifie que ces groupes devront attendre que la décision soit entendue sur le fond avant d’espérer une exemption ou une modification de la Loi.
Loi sur la laïcité
La Loi 21 sur la laïcité de l’État a été adoptée au mois de juin 2019, sous bâillon. Elle empêche aux employés du secteur public de porter des signes religieux, comme le voile, la kippa et la croix.
Le gouvernement de la Coalition avenir Québec y a rattaché la disposition de dérogation. Cet écrit interdit de contester une loi au motif qu’elle violerait la Charte des droits et libertés de la personne. Selon les avocats des requérants, la mesure crée un «préjudice irréparable».
Jeudi, la ministre provinciale de la Justice, Sonia Lebel a «salué» la décision de la Cour suprême.
«Nous continuerons à défendre le bien-fondé et la constitutionnalité de la Loi, comme nous l’avons toujours fait», a-t-elle souligné dans un communiqué de presse. L’avocate de la contestation, elle, n’a pas voulu émettre de commentaire.
Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, n’a jamais dit non à une potentielle contestation de la loi par Ottawa. Le ministre fédéral de la Justice, David Lametti, affirme «continuer à suivre le dossier de près».
La saga de la Loi 21 est loin d’être terminée et pourrait bien se transporter en 2021. En premier lieu, la Cour supérieure doit entendre une contestation sur le fond de la Loi. Celle-ci doit en théorie commencer à l’automne, mais rien ne dit comment la crise du coronavirus changera les choses.
«Prévisible»
Aux yeux de l’organisme Justice femme, qui se porte en opposition à la Loi 21, cette décision était «prévisible».
«C’est sûr que des gens sont déçus», affirme sa fondatrice, Hanadi Saad.
Tous les regards se tournent maintenant vers les audiences sur le fond, constate le conseiller juridique de l’organisme, William Korbatly. Rien ne dit toutefois si le fédéral s’impliquera directement dans le combat, avoue-t-il.
«Est-ce que le gouvernement fédéral va prendre position dans le débat en Cour supérieure? Je ne pense pas. C’est un gouvernement minoritaire», avance le juriste.
Dépendant de la décision des juges de la plus haute instance provinciale, la cause sur le fond pourrait se transporter en Cour d’appel et en Cour suprême.