Le nouveau chef du Parti conservateur du Canada et chef de l’opposition officielle, Erin O’Toole, a tenu sa première conférence de presse mardi matin à Ottawa et il n’a pas fallu longtemps avant que ses prises de position sur l’avortement soient mises sur la table. Un tel candidat peut-il espérer séduire le Québec?
En 2013, à l’époque du gouvernement Harper, M. O’Toole a voté en faveur du projet de loi C-225. Celui-ci prévoyait notamment une peine pouvant aller jusqu’à la perpétuité pour quiconque «cause directement ou indirectement la mort de l’enfant à naître». Certains y ont vu une porte ouverte à une éventuelle pénalisation de l’avortement.
Pas O’Toole. Pour lui, il s’agit d’une lecture erronée. «Il s’agissait d’un projet de loi sur la sécurité publique des femmes et la haine criminelle», s’est-t-il défendu mardi matin.
Rappelons que O’Toole avait également confié être «un peu inquiet avec l’avortement», lors d’un point de presse à Québec en 2017.
«Je suis un député pro-choix», a aujourd’hui fermement rétorqué aux journalistes le natif de Montréal.
La question qui tue
La question de l’avortement avait plombé la campagne électorale de son prédécesseur Andrew Scheer, notamment au Québec. Sa promesse de ne pas rouvrir le débat n’a pas convaincu les observateurs, à la lumière de ses prises de position passées contre l’avortement.
O’Toole, qui a remporté la récente course à la chefferie avec 57% des voix, contre 43% pour Peter MacKay, a insisté avoir toujours arboré une approche et un bilan clairs sur les différents enjeux sociaux vécus par tous les Canadiens, dont celui de l’avortement.
Pour le politologue André Lamoureux, chargé de cours au département de science politique de l’Université du Québec à Montréal et spécialisé en politique canadienne et québécoise, il ne s’agit rien d’autre qu’un positionnement stratégique et tactique face à Peter MacKay.
«Malgré ce qu’il affirme, O’Toole laisse toujours libre cours à une expression de toutes les positions anti-avortement au sein de son parti, et au nom de cette liberté, il laisserait de la même façon libre cours à tous les députés qui chercheraient à introduire des lois qui, par la bande, s’attaqueraient au droit à l’avortement, comme on a vu faire sous le gouvernement Harper.»
Séduire le Québec
Durant ce ce premier point de presse, O’Toole s’est exprimé plusieurs fois en français, a indiqué respecter le travail François Legault – notamment durant la pandémie – et a déclaré vouloir oeuvrer pour le bien-être des Québécois, y compris les nationalistes.
Le début de ce qui s’apparente à une campagne de séduction envers la province intervient alors même qu’un sondage mené par la firme Léger et l’Association d’études canadiennes indique que seuls 11% des Québécois ont l’intention de voter pour les conservateurs.
Pire encore: l’élection de O’Toole comme chef a diminué l’envie de 42% des Québécois de voter pour ce parti, selon ce même sondage.
Est-ce qu’un candidat avec un tel profil peut remporter les suffrages au Québec, face au Bloc et à Trudeau?
Non, répond catégoriquement M. Lamoureux.
«Il est en rupture totale avec les aspirations des Québécois, non seulement sur les questions d’avortement mais aussi sur celles des armes à feux et de l’environnement.»
Mardi matin, O’Toole – qui fut aussi ministre des Anciens Combattants dans le gouvernement Harper – a déploré l’interdiction de plus de 1500 modèles et variantes d’armes à feu de style arme d’assaut annoncée par Trudeau en mai dernier. Selon O’Toole, ce point aurait dû être débattu et pas opté ainsi «en pleine pandémie.»
«Sa position sur cette question des armes à feu va à l’encontre du point de vue de l’immense majorité des Québécois, avec ce qu’on sait de l’histoire du Québec, commente le politologue Lamoureux. Il n’a pas dit un mot sur la question des tarifs sur l’acier imposés par Donald Trump ou encore sur la taxe du bois d’oeuvre qui a des conséquences sur de nombreux ouvriers du Lac-St-Jean, et il se dit près des Québécois? Non, il n’a aucune chance.»
Rappelons qu’Erin O’Toole est né à Montréal et a grandi en Ontario.