Au Québec, les discriminations au travail vécues par les personnes trans sont encore monnaie courante. Un nouveau sondage montre qu’un Québécois sur trois hésiterait encore à recruter un candidat trans.
Au total, 31% des Québécois hésiteraient à embaucher une personne trans. C’est ce que montre un récent sondage, réalisé par Léger marketing auprès de 1517 Canadiens. Le tiers de ces personnes disent qu’elles auraient même «beaucoup d’hésitations.»
Pour Olivia Baker, agent de communication à la Fondation Émergence, ces résultats démontrent que les Québécois sont encore mal informés sur la réalité d’être trans aujourd’hui.
«Je crois d’abord que c’est lié à des stéréotypes et à une peur de l’inconnu, explique Mme Baker en entrevue avec Métro. Ensuite, je pense que bon nombre d’employeurs croient que ça va être compliqué d’intégrer une personne trans dans une équipe.»
Des bénéfices pour les employeurs
Pour combattre les discriminations au travail vécues par les personnes trans au Québec, la Fondation Émergence a développé un guide. Celui-ci se concentre sur les bonnes pratiques que peuvent mettre en place les entreprises pour créer un environnement de travail plus accueillant pour les personnes LGBTQ+.
«On détaille le processus de transition- des étapes aux lois- pour que les employeurs comprennent que ce n’est pas si compliqué que ça, dit Mme Baker. Évidemment, embaucher une personne trans qui a déjà fait sa transition ne vient avec aucune complication.»
Un environnement de travail plus inclusif ne peut être que bénéfique pour les employeurs, indique Mme Baker. En premier lieu dans un souci de représentativité.
«Quand on sait que la communauté LGBTQ+ représente 10% de la population, si vous n’avez que des hommes, blancs, cisgenres, vous avez forcément des angles morts.» – Olivia Baker.
En second lieu, des études ont démontré que le bien-être des employés ainsi que la productivité seraient augmentés, dit-elle.
Encore du chemin à faire
Selon le sondage, 64% des Québécois pensent que si un employé trans entamait une transition de genre, celle-ci serait bien acceptée par le milieu de travail. Cette transition, Marie-Isabelle l’a vécue. Dès 2013, et à l’âge de 55 ans, elle a décidé d’assumer son identité de femme.
«Je n’étais plus capable, je devais être la femme que j’étais», témoigne à Métro Marie-Isabelle Gendron. Même si son entreprise, Pratt & Whitney, l’a épaulée durant tout le processus, elle a dû subir remarques et regards de la part de collègues. Un homme a même refusé de travailler avec elle.
«J’ai fait face à certaines difficultés d’acceptation, ce fut quand même un choc pour ma compagnie. Je dirais que la plupart des problématiques sont venues des hommes.» -Marie-Isabelle Gendron
Elle se souviendra toujours de la journée du 7 octobre 2014, durant laquelle une réunion d’équipe informe l’ensemble du personnel de sa transition.
«J’ai ressenti une euphorie, un bien-être incroyable. C’était un poids enlevé de mes épaules, je n’avais plus de frustration intérieure.»
Même si les cinq dernières années ont été les témoins de beaucoup d’avancées, tant juridiques que sociales, pour les personnes trans, il reste encore «du chemin à faire», dit-elle. Notamment dans le milieu de la construction, de la police, ou de l’ingénierie.
«Pas surpris», dit un recruteur
Le spécialiste en recrutement, Sylvain Amic, n’est pour sa part pas surpris par les résultats de ce sondage. Il se souvient d’une directrice de comptes qui n’a volontairement pas transféré les candidatures de deux personnes trans.
Une autre fois, c’est le candidat trans lui-même qui n’a malheureusement pas osé parler de sa transition.
«Je l’avais comme homme dans ma base de données et j’ai ensuite reçu son CV comme femme alors je l’ai appelée. Je pensais que c’était une erreur. Cette personne m’a affirmé qu’il s’agissait en fait de son mari, qu’ils avaient le même métier, et le même courriel», déplore le recruteur.
Pour Mme Baker, une telle réaction de la part de la candidate trans est loin d’être surprenante.
«C’est comme les candidats issus de l’immigration. Ils occidentalisent leur nom parce qu’ils savent que sinon ça ne marchera pas, dit-elle. C’est pour ça que la Fondation fait de la formation également auprès des RH et des employés, car cela se passe à tous les niveaux.»