Interrogé sur ses propos qui ont fait grand bruit vendredi, le premier ministre Justin Trudeau est revenu sur sa position en ce qui concerne les caricatures du prophète Mahomet et la liberté d’expression.
S’il avait exprimé sa volonté de défendre la liberté d’expression comme «une valeur et un principe fondamental pour toute société libre», Justin Trudeau avait initialement ajouté qu’elle n’était pas «sans limites».
«Dans une société pluraliste, diverse et respectueuse comme la nôtre, nous nous devons d’être conscients de l’impact de nos mots, de nos gestes, sur d’autres, particulièrement ces communautés, ces populations qui vivent énormément de discrimination encore» – Justin Trudeau, premier ministre du Canada.
M. Trudeau avait aussi comparé les publications des caricatures de Mahomet à l’acte de crier «au feu» dans un cinéma bondé.
Interrogé aujourd’hui lors de son point presse sur la situation de la COVID-19, le premier ministre a réitéré la condamnation des actes terroristes perpétrés en France, qu’il juge «absolument inacceptables et absolument injustifiables.»
Justin Trudeau a ensuite fait volte-face sur sa position de vendredi et déclaré ne pas condamner la publication de ces caricatures.
«Je pense que c’est important qu’on continue d’avoir et qu’on défende la liberté d’expression, c’est toujours important. Et nos artistes, nos chroniqueurs nous font réfléchir, nous mettent au défi et ont une contribution extrêmement importante à notre société. Nous allons toujours défendre la liberté d’expression.», a-t-il déclaré lors des questions de son point presse.
Une position initiale ambiguë qui a fait réagir
La position initiale de M. Trudeau avait fait réagir notamment du côté des partis d’opposition.
Le Bloc québécois a notamment reproché au premier ministre de donner des «circonstances atténuantes» à des actes de violence injustifiables. Le chef bloquiste Yves-François Blanchet avait déclaré lundi que le premier ministre Trudeau «ne parle pas pour le Québec en matière de laïcité, de liberté d’expression et de solidarité».
La prise de position de Justin Trudeau a aussi fait réagir en France, notamment dans un article du quotidien Le Monde qui titre: «Le soutien mesuré et ambigu de Justin Trudeau à la France».
Le premier ministre québécois François Legault a aussi choisi le camp du président français lundi lors d’un point presse.
Ce matin, le premier ministre québécois a reçu un appel de la part du président français pour le remercier de son soutien. Ce qui n’a pas été le cas de Justin Trudeau.
Tout en réfutant d’avoir été «instrumentalisé» par Emmanuel Macron pour passer un message à Justin Trudeau, le premier ministre a affirmé sa position prise la veille sur la liberté d’expression, qu’il juge «non négociable» face au multiculturalisme : «C’est certain, là, qu’il y a certains dirigeants politiques qui règnent le terrorisme et qui, devant le chantage de certains groupes religieux radicaux, sont prêts à faire des accommodements qui ne sont pas raisonnables. Donc, moi, j’ai dit clairement à Emmanuel Macron qu’on va être à pour le supporter puis qu’on est au même endroit que lui.»
«La nation québécoise a des valeurs, on a le droit de défendre ces valeurs, et parmi ces valeurs il y a la liberté d’expression, la laïcité, la langue française. Et ce n’est pas vrai qu’au nom du multiculturalisme on va mettre ça de côté, et qu’on va faire des compromis exagérés. M. Trudeau a refusé de s’engager à ne pas lutter contre la loi 21 du Québec qui est appuyé par la grande majorité des Québécois. Ces propos sur la liberté d’expression ne sont pas acceptables.» – François Legault
S’il a avoué de manière implicite ne pas avoir reçu d’appel de la part du président français, le premier ministre canadien n’y voit cependant pas un désaveu : «Je m’attends à parler avec le président français dans les moments à venir».
«Nous sommes de tout coeur avec nos cousins français. J’ai exprimé mes condoléances et mon appui. J’ai travaillé et je travaille depuis longtemps avec le président Macron, avec qui nous partageons énormément de valeurs et nous allons toujours être là pour lutter contre le terrorisme et défendre nos valeurs.» – Justin Trudeau
Au cours des dernières semaines, deux attaques ont été perpétrées en France en lien avec la publication des caricatures de Mahomet. Le 16 octobre, l’enseignant Samuel Paty a été décapité en pleine rue après avoir montré les caricatures du prophète à ses élèves en classe. Jeudi, ce sont trois personnes qui ont été égorgées dans une église à Nice.