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Le mot en F

Photo du chroniqueur Frédéric Bérard avec titre de sa chronique, In libro veritas

J’ai, essentiellement pour deux raisons, hésité à écrire un truc sur l’actuelle controverse.

D’abord, pour éviter d’attirer encore l’attention sur un prof carencé socio-affectif, aux allures davantage similaires à celles d’un troll (assumé) que d’un universitaire. Ensuite, afin d’éluder le piège de l’instrumentalisation posé par St-Pierre-Plamondon et autres chantres de la martyrisation institutionnalisée. Deux faces, en fait, d’une même médaille. Pourquoi avoir changé d’avis? Parce que leurs caricatures, respectives et afférentes, frôlent maintenant la sphère de la mauvaise foi intellectuelle.

Pour quiconque ayant vécu les derniers jours en-dessous d’une roche, rappelons qu’Amir Attaran, prof de droit à l’Université d’Ottawa, est le malheureux luron qui, de ses airs de boutefeu décomplexé, a dernièrement allumé la mèche à même l’épiderme nationaliste québécois. Notre nation constituerait, selon les dires du savant, un genre d’Alabama du Nord pratiquant le lynchage médical (référence probable aux catastrophes de Joliette) et ayant à sa tête un suprémaciste blanc en la personne de François Legault. Rien que ça. Le recteur Jacques Frémont, celui-là même qui devait suspendre manu militari, et sans droit préalable d’être entendu, la prof Lieutenant-Duval pour utilisation du mot en N dans le cadre d’un cours sur l’appropriation culturelle, devait cette fois passer l’éponge : la liberté d’expression n’est pas un buffet chinois, de dire le recteur interpellé. Appelons ça de l’ironie, mettons.

Reste, toutefois, qu’il a raison : si Attaran revêt aisément les habits de l’incendiaire-zigoto de service, n’en demeure pas moins que la liberté académique, particulièrement pour des propos tenus hors de la classe, devrait couvrir ce genre de bêtises éhontées. Pourquoi? Parce que ladite liberté protège, on l’espère du moins, le discours déplaisant, choquant, ou ridicule. À quoi bon, autrement? Si l’université se refuse le rôle de garde-fou du politically correctness, aussi bien fermer la shop. L’angle mort de ma posture? Celui d’étudiant.es aux prises avec les enseignements d’Attaran. On imagine mal, en effet, un électeur caquiste assis devant le prof-macaque, lequel lui explique qu’il a voté, finalement, pour un suprémaciste blanc.

Bien entendu, il n’en fallait pas davantage afin que St-Pierre-Plamondon, chef du Parti québécois, voit dans le présent outrage une occasion autant rêvée que rarissime de surfer sur l’indignation, légitime au demeurant, de maints Québécois frustrés du deux poids-deux mesures du recteur Frémont. Et il a, en un sens, partiellement raison : accepterait-on de la part d’un universitaire des commentaires autant absurdes, infondés et blessants sur un autre groupe racial, linguistique ou religieux? Pense pas, non. Or, de l’autre côté du canal Rideau, ce type d’abus langagier fait partie des rares exceptions à la norme appliquée.

Reste toutefois que la condamnation aurait été davantage crédible, voire crédible tout court, n’eut été de la récente posture du chef du PQ en ce qui a trait au concept de racisme systémique. Récente? Oui. Parce que récemment encore, SPP s’époumonait, merci Youtube, afin de convaincre un Bock-Côté de l’existence et ravage dudit concept au Québec même. Ceci, cela dit, avant que le chroniqueur-vedette de Québecor devienne le maître à penser de l’orphelin politique tardivement converti aux bienfaits du péquisme utilitaire.

Où je veux en venir? C’est que s’il est indéniable que le Canada puisse pratiquer un racisme institutionnalisé (ce sont ses termes) à l’égard de ses francophones, incluant ceux du Québec, il l’est tout autant de prétendre que ces mêmes Québécois ne sont pas exempts de tout défaut. Qu’ils ont, eux aussi et avec leurs propres minorités, entre autres autochtones, des réflexes s’apparentant drôlement à ceux dénoncés chez les autres.

Insultant, se faire traiter de frog? Bien sûr. Mais à tout prendre, je préfère encore cette attaque verbale à celles, maintenant documentées, qui voient des membres de minorités visibles être drôlement plus facilement interpellés par les policiers, se voir refuser un logement ou un emploi ou, dans le pire des cas, laisser une peau jugée trop foncée – la leur – sur le lit d’un hôpital aux allures mortifères. Comme quoi, il est beaucoup trop facile, et commode, de se laisser distraire par les propos d’un crétin ne parlant, finalement, qu’en son nom.

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