Au micro de Nic Payne, sur les ondes de RVM comme à chaque samedi midi, discussion-débat avec Frédéric Lapointe, contradicteur élégant, posé et nuancé – tout mon contraire, donc – cette fois sur l’enquête du coroner quant au décès de Joyce Echaquan.
Résumant son propos, Lapointe, fidèle à ses habitudes de modération, lance un truc du genre : « […] des employés qui auraient eu un comportement un peu raciste ». Avant même que Payne me repasse la parole, explosion. D’abord, dans ma tête, ensuite dans le micro. Crise quasi-ingérable. Parce que si je connais maintenant suffisamment bien Frédéric pour jurer que son euphémisme se voulait davantage réflexe que verdict, reste que ce même réflexe demeure symptomatique d’une culture médiatique ayant peur des mots. Des vrais.
Parce que non, l’affaire Echaquan n’est pas un peu raciste. Elle l’est à temps plein. Sous toutes ses coutures. Du début à la fin. Résultante d’une évidence, soit le racisme systémique. Celui détaillé, expliqué et rapporté par la Commission Viens sur les enjeux autochtones. Particulièrement sur la question des soins de santé dont la situation, délétère depuis (trop) longtemps, à l’hôpital de Joliette. Celui dont l’affaire Echaquan et ses violences (« c’est juste bon pour fourrer et venir se plaindre icitte »; « qu’est-ce que t’as pris, encore, hein? »; « enfin on va avoir la paix, elle est morte ») ne sont qu’une nouvelle illustration, cette fois piégée par caméra-vidéo ou rapportée par des témoins.
En d’autres termes, aucune excuse possible, sauf évidemment celle, ô combien méprisable, de l’aveuglement volontaire. Le même qui a récemment amené le gouvernement Legault à faire battre en chambre une motion visant à simplement faire reconnaître, attachez votre stupéfaction, que les Autochtones avaient droit aux mêmes soins de santé que les autres Québécois. Merci aux chroniqueurs de Québécor et à leur fer rouge inséré à même le derrière caquiste, la motion fut ainsi battue.
-Notre gouvernement vote contre la présente motion, Monsieur le président.
-Attendez un peu, là…Vous votez contre une résolution qui vise à reconnaître aux Autochtones un droit à des soins de santé, genre sans se faire tuer pour cause de racisme?
-C’est exact, monsieur le président.
-Et je peux vous demander pourquoi?
-Parce que si on votait en faveur, ce serait reconnaître le racisme systémique, monsieur le président.
-Et ça vous en coûterait quoi, de faire de même, vu l’abondance de preuves afférentes?
-Une partie de notre électorat, celui qui se fait baratiner que seul le racisme anti-blanc existe et que le racisme systémique est une importation américaine, ne nous le pardonnerait pas, monsieur le président.
-Voilà qui est embêtant. Vous savez toutefois que les Amis de Joyce s’adresseront dès lors à l’ONU pour obtenir un blâme en votre défaveur, n’est-ce pas?
-Oui, quand ce sera chose faite, nos chroniqueurs écriront que l’ONU a zéro crédibilité en matière de droits de l’Homme, Arabie Saoudite, Chine et blabla. Bref, on s’en tape.
-….
Au même moment ou presque, les corps de 215 enfants autochtones, dont certains âgés d’à peine trois ans, ont été découverts sur le site d’un ancien pensionnat près de Kamloops, en Colombie-Britannique. Géré par l’Église catholique, ce type d’établissements « accueillaient » des enfants retirés de leurs familles et communautés, et ce, dans l’objectif avoué de les assimiler à la culture dominante. Plus de 150 000 auront ainsi été enrôlés de force à travers quelque 130 pensionnats dispersés partout au Canada, dont au Québec. Des experts s’attendent d’ailleurs à retrouver, ici également, les dépouilles des victimes de ce génocide culturel.
Question : si c’était le corps de petits pure-laine, québécois ou autres, qui avaient été ainsi débusqués, l’espace médiatique serait-il alors éclipsé par l’importance du 7ème match CH-Leafs?
Parce que résident, là également, les affres du racisme et leurs violences : par l’euphémisme et autres silences.