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Racisme systémique: la sécurisation culturelle pour rétablir la confiance des Autochtones

L’Atikamekw Joyce Echaquan sera-t-elle la George Floyd du Québec?
Une veillée a été organisée à l’hôpital Joliette en réaction au décès de Joyce Echaquan. Photo: Capture d’écran / Métro

La solution pour rétablir la confiance des peuples des Premières Nations et des Inuits envers le système de santé réside dans la sécurisation culturelle, selon la présentation du chirurgien innu Stanley Vollant au onzième jour de l’enquête publique du coroner sur la mort de Joyce Echaquan.

Pour le médecin qui se base sur plusieurs témoignages, il est clair que les Autochtones sont méfiants d’aller se faire soigner dans les hôpitaux, car ils n’ont pas l’impression qu’ils recevront un traitement juste et équitable.

«Pourquoi les Autochtones ne vont pas à l’hôpital de Joliette? En tout cas, il y a plusieurs personnes qui ne veulent plus y aller. Il y a des gens qui préféreraient être transférés à l’hôpital Le Gardeur ou ailleurs parce que les gens ont peur», a-t-il mentionné. 

Selon lui, il faut rétablir la confiance, décoloniser les modes de soins et redéfinir un nouveau partenariat pour enrayer le racisme systémique. 

Cela passe par la sécurisation culturelle, un concept développé par des infirmières maories dans les années 1990 pour contrer le racisme systémique présent dans le système de santé de la Nouvelle-Zélande. «Ce concept maintenant est adopté par les organisations médicales en Nouvelle-Zélande et ça a amélioré les relations entre les Maoris et les non-maoris», a déclaré le Dr Vollant à la barre. 

Développer des compétences culturelles

Pour Stanley Vollant, la sécurisation culturelle va au-delà des connaissances ou de la sensibilisation, c’est plutôt de traiter l’autre d’égal à égal. «Il faut aussi développer des compétences, apprendre à communiquer et à comprendre», a-t-il souligné.

Pour comprendre les Autochtones, il faut d’abord comprendre leur histoire et «enlever nos lunettes d’Occidentaux», a-t-il précisé.

«Quand on est Occidental, on voit la vie d’une certaine façon par notre culture et par les valeurs que notre société nous amène. Mais il faut être capables d’enlever ces lunettes-là et de mettre les lunettes de l’autre pour comprendre l’autre», a expliqué Dr Vollant.

Le médecin donne aussi en exemple le simple fait de dire «bonjour» dans la langue du patient. «Tu démontres à l’autre personne que tu la traites en égal et que tu respectes sa différence», a-t-il ajouté. 

Au-delà de la sémantique

Bien que Stanley Vollant pense qu’il faut reconnaître le racisme systémique, il estime aussi qu’il est encore plus important de développer les compétences culturelles et la sécurisation culturelle. 

«Si quelqu’un n’est pas capable de nommer l’éléphant dans la salle et qu’il l’appelle un pachyderme à grandes oreilles, mais qu’il fait un trou pour le faire sortir, je suis d’accord», a-t-il répondu au médecin Jacques Ramsay, qui accompagne la coroner Géhane Kamel dans cette enquête publique.

En d’autres mots, les solutions sont plus importantes que la sémantique, pense le chirurgien. «Si on s’enfarge dans la sémantique et qu’on n’avance pas, on ne rendra pas service à notre population et aux gens qui consultent les hôpitaux», a-t-il ajouté.

Stanley Vollant considère qu’il faut former les professionnels de la santé et rendre imputables ceux qui ne font pas bien leur travail de sécurisation culturelle. «Il faut que les ordres professionnels décrètent que la discrimination basée sur la race, la culture et la langue est interdite», a-t-il ajouté.

Un guide sur la sécurisation culturelle à venir

La directrice des affaires autochtones du ministère de la santé et des services sociaux du Québec, Julie Gauthier, a présenté devant la coroner le plan global d’implantation de la sécurisation culturelle dans le réseau de la santé et des services sociaux 2020-2025.

Un guide sur la sécurisation culturelle à l’usage des gestionnaires et de la haute direction doit être rendu public dans les prochaines semaines pour implanter de manière durable les «bonnes pratiques», a-t-elle laissé savoir.

Mme Gauthier a aussi rappelé que le gouvernement du Québec a annoncé en novembre dernier un investissement de 15 M$ pour déployer des actions ciblées favorisant la sécurisation culturelle à l’égard des membres des Premières Nations et des Inuits dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Ces actions incluent notamment de la formation destinée aux gestionnaires et aux intervenants du réseau de la santé et des services sociaux pour les familiariser avec la notion de sécurisation culturelle, ainsi que l’ajout d’agents de liaisons au sein des établissements.

La semaine dernière, on apprenait grâce au témoignage de deux médecins que Joyce Echaquan était décédée des suites d’un œdème pulmonaire, potentiellement lié à une maladie cardiaque rare. Selon l’urgentologue Alain Vadeboncoeur, sa mort aurait pu être évitée avec une «meilleure surveillance» et une «intervention plus précoce» de la part du personnel soignant. 

 

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