Les membres du milieu de l’ingénierie sont secoués par l’absolution de leur pair. Si plusieurs estiment que l’agression sexuelle perpétrée par Simon Houle doit être dissociée de la profession, d’autres retirent leur jonc en guise de protestation, notamment en ce qui concerne la réaction de l’Ordre des ingénieurs du Québec.
C’est le cas d’un ingénieur industriel, Jonathan Simard. L’étudiant à la maîtrise à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) explique sa décision dans une publication sur LinkedIn. Elle a fait réagir des milliers d’internautes.
«J’ai choisi de l’enlever [mon jonc]. Parce que je pense qu’à travers ce qu’il symbolise, il m’impose de dégager la confiance envers le public, écrit-il. Ni mon titre, ni ma formation, ni ma profession font de moi un citoyen qui peut se permettre des écarts de conduite. Au contraire. Jamais je n’accepterai qu’un membre de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ), organisation dont je fais partie, ait reçu la clémence. Surtout pas pour [une agression sexuelle]».
Parmi la centaine de commentaires sous la publication, plusieurs soutiennent l’initiative de Jonathan Simard. Mais plusieurs ingénieurs la décrient aussi.
Manifester autrement
Les étudiants en ingénierie reçoivent leur jonc lorsqu’ils obtiennent leur diplôme de baccalauréat. L’anneau se veut une promesse de servir le public avant ses propres intérêts. L’enlever constitue donc une mauvaise façon de manifester, considère l’ingénieure montréalaise Tyler Ball.
«Ça n’a pas rapport. Nous, les ingénieurs, on fait plein de bonnes choses. Au contraire, on doit conserver notre jonc pour demeurer associé à l’OIQ. C’est Simon Houle qui a fait quelque chose de honteux, qui doit être dissocié de notre ordre», expose la signataire d’une lettre ouverte à ce sujet en entrevue avec Métro.
Son nom, je suis tannée de le voir. Je veux qu’on parle des victimes, et des bons coups que nous, les ingénieures, on fait.
Tyler Ball, ingénieure indépendante en traitement de l’eau
Plusieurs ingénieurs font le choix de ne pas porter le jonc, sans que cela ne soit relié à des motifs politiques ou au dossier de Simon Houle. Cette manière de manifester est donc «un peu drôle», et «timide», estime l’ingénieure civile Samie Dunand-Vincent. À son avis, les ingénieurs ne devraient pas être associés à l’agression sexuelle commise par Simon Houle. Elle déplore que le juge Matthieu Poliquin ait utilisé son statut professionnel pour lui accorder une absolution.
«Si un vidangeur commettait une agression sexuelle, tous les vidangeurs n’auraient pas à se révolter», souligne celle qui travaille dans le domaine des structures en télécommunications. «Pour moi, c’est plus important d’apporter mon soutien aux victimes, de se choquer de la situation en tant que femme plus qu’en tant qu’ingénieure.»
L’OIQ n’a pas commenté la situation de Simon Houle, mais dit prendre au sérieux «la réputation et la dignité associées au titre d’ingénieur». «Le Code des professions prévoit que les membres d’ordres professionnels, dont les ingénieurs, peuvent faire l’objet d’une sanction disciplinaire s’ils sont déclarés coupables ou plaident coupables à une infraction criminelle», a toutefois précisé l’Ordre.
Du soutien
De l’autre côté du spectre, une poignée d’internautes considèrent le traitement accordé à Simon Houle sur la place publique comme injuste. Un groupe Facebook, nommé Justice pour Simon Houle, a attiré une cinquantaine de membres. On y trouve des publications banalisant la culture du viol et minimisant le geste de l’agresseur. Plusieurs personnes blâment aussi les victimes de Simon Houle.
«Je ne veux pas créer de chicane, mais on s’entend que la fille a couru après», a indiqué par exemple une internaute. «Simon Houle a reçu sa sentence, mais les justiciers de la place publique se permettent de lui faire un procès! Je plaide pour qu’on le laisse tranquille et j’ai créé ce groupe pour qu’on puisse lui montrer notre support!», a partagé le fondateur du groupe, Troy Pichette.
Simon Houle a plaidé coupable à une accusation d’agression sexuelle. Il s’en est pris sexuellement à une femme qui dormait, tout en prenant des photos intimes d’elle. Le juge Matthieu Poliquin lui a toutefois accordé une absolution conditionnelle, lui permettant d’éviter un casier judiciaire. M. Houle a en plus admis avoir déjà agressé une autre femme. Il n’est pas accusé au criminel pour cette autre agression.
Selon Radio-Canada, Simon Houle aurait fait de nouveau preuve d’inconduite sexuelle moins de deux semaines après avoir bénéficié d’une absolution, lors d’un voyage à Cayo Coco, à Cuba. Il aurait alors touché de manière inappropriée une autre voyageuse québécoise.