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Pourquoi y a-t-il une croix sur le mont Royal? Et pourquoi les mères mohawks n’en veulent plus?

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Lors d’une conférence de presse donnée au pied du mont Royal le 27 juillet dernier, le groupe Kanien’kehá:ka kahnistensera, les mères mohawks, a rejeté les excuses du pape tout en exigeant la reconnaissance des terres non cédées. La croix trônant au sommet de la montagne n’a pas échappé aux exigences du groupe, qui souhaite qu’elle soit retirée.

La présence de l’Église catholique est impossible à éviter en ces territoires non cédés que constituent Montréal, ou Tio’tia:ke, critiquait Kwetiio, une des mères mohawks, lors de cette conférence de presse.

Je voudrais que cette croix soit enlevée. Si vous regardez tout autour de vous […], il y a une croix partout, il y a un symbole de ce pouvoir qui nous envahit. C’est cruel.

Kwetiio

De Chomedey de Maisonneuve à la Ville de Montréal

La croix du mont Royal «a été érigée par la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) de Montréal en 1924», a expliqué à Métro la présidente actuelle de la SSJB, Marie-Anne Alepin. Le but était de souligner «la promesse de Paul Chomedey de Maisonneuve de planter une croix au sommet du mont Royal, si le fort de Ville-Marie, menacé par une inondation, était épargné», explique-t-elle.

La croix du mont Royal est devenue au fil du temps un symbole culturel de Montréal. C’est une manifestation monumentale de notre histoire.

La présidente de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, Marie-Anne Alepin.

Aux yeux de Kahentinetha Horn, une mère mohawk avec qui Métro s’est entretenu au téléphone, cette croix représente plutôt «la profanation et le génocide de notre peuple. C’est un symbole d’oppression, voilà pourquoi elle est là».

Le fait que ce symbole de l’Église catholique et du clergé soit toujours présent représente la volonté persistante «d’anéantir» les peuples autochtones, affirme Kahentinetha Horn. «Tout le monde sait de quelle manière ça nous affecte. Ça nous fait sentir impuissant et personne ne nous a jamais écoutées, n’a jamais écouté comment nous nous sentons. Nous sommes complètement ignorées», exprime-t-elle.

Cette croix, là-haut, nous garde en silence. Le génocide peut continuer.

Kahentinetha Horn, une mère mohawk

Les mères mohawks exigent donc que la croix soit démontée.

Du côté de la Ville de Montréal, actuelle propriétaire de la croix, la réponse est claire: «la Ville, tout en poursuivant le processus de réconciliation avec les peuples autochtones, prévoit que la croix demeurera au sommet du mont Royal», fait-on savoir par courriel. La Ville rappelle, à l’instar de la SSJB, que la croix est «un emblème historique majeur de Montréal rappelant des événements historiques précis, et qu’elle est un symbole représentatif de la population canadienne-française».

Tôt le 29 juillet, les mères mohawks ont publié un communiqué de presse dans lequel elles exigent que «le pape quitte [leur] terre et emporte avec lui la croix et tous les symboles de [son] atrocité». Elles rappellent également que «les peuples autochtones voient [ce symbole] comme le peuple juif voit la croix gammée». Dans le même communiqué de presse, elles demandent que «les tombes présumées» ne soient pas rasées sur le site de l’hôpital Royal Victoria.

En 2008, une assemblée s’est tenue au sommet du mont Royal au cours de laquelle des actions de réconciliation ont été discutées. «À l’issue de cette rencontre-là, des actions de réconciliation sur le site de la croix du mont Royal ont été proposées», explique Marie-Anne Alepin, de la SSJB. Ces recommandations étaient de planter un grand pin blanc à côté de la croix et de créer une maison de la culture autochtone du Québec.

Cette assemblée s’était déroulée en présence du conseil traditionnel Kanyen’kehà:ka (mohawk), ainsi que d’un représentant Anishinaabe du parc de La Vérendrye. Était également présente la lauréate du prix Nobel de la paix de 1992, Rigoberta Menchú. La SSJB assure être en faveur de ces recommandations.

La Ville de Montréal s’avoue tout de même «sensible aux différentes préoccupations des peuples autochtones». C’est pourquoi, dit la Ville, la mairesse a dévoilé en novembre 2020, «en compagnie de partenaires autochtones», la Stratégie de réconciliation avec les peuples autochtones de la Ville de Montréal 2020-2025. Cette stratégie «est le fruit d’une consultation menée sur deux ans auprès d’une trentaine d’organisations autochtones» dit la Ville.

À qui appartient le Mont-Royal?

Pour Kahentinetha Horn, quand son peuple voit ce symbole de l’Église «sur l’un des plus grands lieux que nous avions pour communiquer avec tous nos peuples vivant sur l’île de la Tortue [l’Amérique du Nord], c’est quelque chose de très difficile».

La question de savoir à quel peuple autochtone appartient Tio’tia:ke (Montréal) n’est pourtant pas si simple, explique Eric Pouliot-Thisdale, un chercheur au Département d’histoire et de démographie de l’Université de Montréal. Il a également été archiviste et chercheur pour des conseils de bande «en matière légale et historique» et est lui-même Mohawk et Innu.

«Le lac Ontario, New York et [Montréal], formaient un genre de triangle délimitant le territoire mohawk. [Montréal] était comme la pointe nord-est du secteur où les Mohawks installaient des campements occasionnels», raconte-t-il. Le chercheur qualifie l’occupation de Montréal par les Mohawks, ces campements «qui duraient de dix à vingt ans, qui déménageaient tout le temps pour que le sol ne soit pas surexploité» comme du «semi-sédentarisme».

Eric Pouliot-Thisdale confirme que le mont Royal était un lieu de rencontres, «parce qu’évidemment, il y avait des Algonquins au nord de l’île. Il y avait donc évidemment des rencontres occasionnelles d’Algonquins et de Mohawks sur l’île de Montréal». Toutefois, quand vient le temps de savoir comment les relations et les échanges entre les peuples se déroulaient et qui occupait la montagne, «c’est très spéculatif», insiste-t-il.

«La présence autochtone sur l’île n’était donc pas particulièrement stable», conclut-il.

Pour le chercheur, peu importe à quelle nation appartient le mont Royal, la croix devrait tout de même être démontée. «Si on a retiré la croix de toutes les institutions au nom de la laïcité, et tous ces trucs-là, alors ce serait la moindre des choses, vraiment.» À l’instar des mères mohawks, il perçoit ce symbole religieux «comme un affront».

C’était un lieu de rencontre, mais là, ce qui prime quand on regarde le mont Royal, c’est la croix. C’est un symbole de supériorité, encore.

Eric Pouliot-Thisdale, chercheur au Département d’histoire et de démographie de l’Université de Montréal.

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