À quoi sert l’application ArriveCan, imposée aux voyageurs lors de leur arrivée au pays? C’est la question que se posent des experts de divers milieux, qui estiment que l’application nuit à la fluidité des transports internationaux.
D’emblée, l’application devait faciliter l’arrivée des voyageurs au pays. C’est plutôt l’inverse qui se produit: les douaniers remarquent qu’ArriveCan ralentit plutôt le retour des Canadiens. «C’est de la bureaucratie inutile, critique le chargé de cours au Département de science politique de l’UQAM, André Lamoureux. Dans le contexte actuel, c’est juste une barrière qu’on ajoute dans la situation déjà compliquée que sont les voyages avec la COVID-19.»
L’administration Trudeau s’enlise plutôt que de reconnaître ses erreurs, estime-t-il. «C’est un gouvernement qui n’a jamais avoué ses torts depuis son entrée au pouvoir. Récemment, on n’a qu’à penser aux problèmes au bureau des passeports, ou pour réclamer l’assurance-emploi. C’est pourtant quelque chose que le gouvernement Legault fait au Québec: on n’a qu’à penser aux masques, et à la crise dans les CHSLD», compare-t-il.
Le développement d’ArriveCan a coûté 19,8 M$, puis 4,9 M$ ont été dépensés pour la maintenance et le bon fonctionnement de l’application. C’est ce que confirme l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) dans un échange de courriel avec Métro. «C’est de la dilapidation de fonds publics», tranche M. Lamoureux.
Estimation difficile
Alors, 25 M$ pour développer une application, est-ce trop? «C’est difficile à estimer, parce que derrière l’application que l’on voit, on ne connaît pas toutes ses caractéristiques cachées, explique le professeur titulaire en génie logiciel à Polytechnique, Michel Dagenais. On ne connaît pas la taille des serveurs requis, les systèmes utilisés. Chose certaine, avoir un bon système qui ne crée pas beaucoup de bogues, ça coûte de l’argent.»
La création de l’application «n’a probablement pas consisté en un grand défi», poursuit-il, comme il s’agit d’un simple formulaire. Il qualifie la conception de «correcte», mais s’interroge sur la nécessité de son maintien. «Les projets informatiques qui sont abandonnés, même avant d’avoir vu le jour, ce n’est pas rare, rappelle M. Dagenais. La grande question, c’est si on le garde, c’est pour faire quoi? Personne d’autre dans le monde n’a une application comme celle-là.»
Est-ce que des fonctionnaires veulent conserver ça par principe, même si ça emmerde le monde? Avec la COVID qui court déjà partout, je ne sais pas si tout le trouble causé est nécessaire.
Michel Dagenais, professeur titulaire en génie logiciel à Polytechnique
Critiques unanimes
À Ottawa, les partis d’opposition sont unanimes: il faut retirer ArriveCan, ou du moins suspendre l’application jusqu’à ce qu’elle soit améliorée. «Il est temps que le gouvernement fédéral se remette les pieds sur terre: ses actions posent plus de dommage à la population canadienne qu’elles ne les aident», dénonce le député conservateur Luc Berthold.
Les conservateurs ne s’opposent pas à l’utilisation d’une application, mais estiment que celle-ci doit être mieux conçue. «On n’offre pas assez de latitude aux voyageurs. Dans notre bureau de circonscription, on doit aider plusieurs voyageurs chaque semaine. Pourquoi ne pas permettre à ceux qui ne disposent pas de technologies de montrer leur preuve vaccinale sur papier, tout simplement?», se questionne M. Berthold.
«Si le gouvernement tient absolument à conserver ArriveCAN, la seule chose à faire pour qu’elle ait un avenir est de suspendre son utilisation le temps de corriger ses nombreux problèmes qui, pour le moment, n’ont pour seul effet que de donner des maux de tête aux voyageurs», ajoute le porte-parole en matière de Transports du Bloc québécois, Xavier Barsalou-Duval.
Maintien à long terme?
ArriveCan est maintenue pour des raisons «de considérations opérationnelles, de preuves scientifiques et compte tenu de la situation épidémiologique au Canada et à l’étranger», se défend Ottawa. «Suspendre l’utilisation d’ArriveCAN sans changement dans les exigences de la santé publique entraînerait une prolongation des délais de traitement pour les voyageurs, puisque ces fonctions de santé publique auraient à être effectuées manuellement par les agents de l’ASFC aux points d’entrée», justifie-t-on.
L’option de déclaration à l’avance dans l’application ArriveCan pourrait être maintenue au-delà de la pandémie, indique l’ASFC à Métro. «Les premières données d’utilisation montrent que le processus est 30% plus rapide à la borne lorsque les voyageurs utilisent ArriveCAN pour faire une déclaration à l’avance, explique-t-on. L’ASFC explore des moyens d’offrir une expérience frontalière améliorée et plus rapide aux voyageurs dans le cadre de son initiative à long terme de modernisation des services aux voyageurs, et l’application ArriveCAN est un élément parmi d’autres de ces efforts.»
Depuis le 7 juillet, l’application ArriveCan a été utilisée plus de 22 millions de fois.