Pour comprendre les préoccupations de la communauté d’affaires, le président de Desjardins, Guy Cormier, arpente les régions du Québec à la rencontre de la relève. Plusieurs enjeux le touchent particulièrement, comme l’alphabétisation de la population, en contexte de pénurie de main-d’œuvre. À quoi ressemblera la communauté d’affaire de demain? Comment contrer les dommages de l’analphabétisme? Métro en discute avec le dirigeant.
Lors d’une conférence à Saint-Jérôme, vous avez avoué que l’enjeu de l’alphabétisation au Québec vous préoccupait. Pourquoi?
Une des conditions à la base du succès en éducation, c’est de savoir bien lire, de comprendre ce qu’on lit. D’être capable de s’exprimer, d’écrire. Au Québec, une personne sur trois n’est pas à l’aise là-dedans. Ces gens sont comme des myopes, qui n’ont pas de lunettes: ils finissent pas voir un peu, mais les détails leur échappent.
On a beau vouloir faire plein de choses dans le système d’éducation, si une personne sur trois ne sait pas lire ni écrire adéquatement, elle aura plus de difficultés dans son milieu de travail à lire un manuel, un texto, ce qui est à la base très fondamental. Quand tu as de la misère à lire et écrire, la motivation peut devenir difficile. Il faut réfléchir là-dessus.
Quel est le nœud du problème selon vous? Quel rôle l’État a-t-il a jouer là-dedans?
Si je regarde les cinquante dernières années, on a fait des pas de géants au Québec. Le taux de diplomation a augmenté, le système est maintenant décentralisé, pas élitiste, accessible. Il y a beaucoup de chemin parcouru.
Mais est-ce qu’on travaille sur les bonnes choses, les softs skills, comme le jugement, la gestion de projet, la créativité? On a vraiment les cursus qui nous permettent de développer ça. Le défi au Québec n’est pas nécessairement au système d’éducation, mais dans l’application de l’enseignement, dans la façon de la livrer à nos jeunes.
Cet analphabétisme représente un danger dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre selon vous. Pourquoi?
Les jeunes ont vécu des années difficiles dans un contexte de pandémie, ce qui a pu avoir pour effet d’augmenter le décrochage. Dans toutes les villes et les villages du Québec, il y a une pression sur les jeunes en difficulté à l’école d’aller travailler. Si tu as des difficultés au départ, comment seras-tu dans un milieu de travail? Aujourd’hui, la communication est importante dans une entreprise. Si tu utilises de la machinerie, de l’équipement, tu dois savoir comment suivre des directives, lire des choses.
Il faut interpeler les employeurs. Oui, c’est intéressant d’aller chercher des jeunes, mais il faut s’investir dans leur développement. Il y a un enjeu de formation continue.
Mais concrètement, ce concept de formation continue s’applique-t-il à tous les milieux? Comment pourrait-il se traduire, par exemple, dans un garage?
Un employé dans un garage doit savoir lire pour utiliser des systèmes électroniques, utiliser des organisateurs, appliquer son jugement pour trouver les bonnes solutions. Il y a plein d’organisations dans le milieu qui existent, et qui peuvent aider pour ces situations-là, que ce soit pour améliorer le français ou d’autres habiletés.
Un garage pourrait par exemple travailler avec d’autres PME de son milieu, ou des organismes communautaires.
En tant que société, poussons-nous trop la jeunesse vers le marché de l’emploi rapidement? Encourageons-nous assez les longues études?
L’éducation ne relève pas juste du système académique. Elle doit devenir un élément permanent dans la société. Il faut reformer les gens qui travaillent dans un métier technique, très spécialisé, qui ont le gout de vivre une autre formation. Comment peuvent-ils retourner au cégep? Comment peut-on démocratiser l’école encore plus?
Les métiers de 2030, de 2035, on ne les connait toujours pas. Nos jeunes doivent continuer de grandir, de se développer, ils se doivent d’avoir une capacité d’adaptation, car on ne sait pas où on sera dans 5 à 10 ans. Ils devront avoir la capacité d’être prêts.
Un évènement à Montréal
Desjardins tiendra un rassemblement avec plus de 1000 jeunes à Montréal, les 19 et 20 juin prochains. L’objectif sera d’entendre les propositions de la jeunesse concernant les enjeux qui attendent le Québec à l’avenir. On ne sait toujours pas où se tiendra l’évènement.