L’Intelligence artificielle (IA) devient un secteur clé pour la croissance économique de Montréal et du Québec. Pour Julien Billot, PDG de Scale AI, une importante grappe d’entreprises du secteur basée à Montréal, il est clair que la ville et la province ont des atouts uniques qui les placent en tête dans la course mondiale en IA.
L’un des premiers atouts considérés par M. Billot est la force de la recherche fondamentale en IA qu’on trouve ici. «Le Québec dispose d’un tissu de recherche extrêmement fort, avec des chercheurs de niveau mondial, tels qu’Andrea Lodi et Yoshua Bengio, qui ont formé des chercheurs et enseignants à l’IA depuis des années», dit-il.
Cette densité de chercheurs et d’étudiants formés par rapport à la population est selon lui «sans équivalent dans le monde».
Si des entreprises américaines comme Midjourney ou OpenAI font le plus souvent les gros titres lorsqu’on parle d’intelligence artificielle, Montréal et le Québec se distinguent pour l’expertise dans la recherche. Sans les découvertes des chercheurs de l’Institut québécois pour l’intelligence artificielle (Mila), cette technologie n’en serait pas rendue à son stade actuel.
Montréal, c’est un hub de talents. C’est plus de 1400 personnes, des chercheurs, des étudiants, des professeurs, des employés.
Valérie Pisano, PDG du Mila
Montréal, avec ses universités et le Mila, est un centre où l’on cherche des solutions à d’importants problèmes. Des travaux qui y sont réalisés portent par exemple sur des avancées en matière de découverte de nouveaux médicaments ou de manière plus générale sur «l’innovation dans le milieu de la santé», fait valoir Valérie Pisano, la PDG du Mila.
«L’IA, c’est aussi un outil pour la recherche, pour la découverte. Ça permet d’aller plus vite que ce qui se faisait traditionnellement dans des laboratoires.»
500 M$ d’investissements
Outre son écosystème de recherche unique au monde, Montréal dispose d’un riche tissu de fournisseurs de services en IA, dont plusieurs visent les gains en productivité. «Des entreprises telles que MoovAI, Vooban, Videns et Ivado Labs ont développé un savoir-faire et des solutions sur mesure pour l’industrie», explique Julien Billot.
Depuis sa fondation, Scale AI a financé plus d’une centaine de projets d’IA, d’une valeur totale de plus de 500 M$. Son objectif est de faire en sorte que l’argent aille en priorité aux PME. Cela oblige de gros acteurs tels que Bombardier à faire passer l’argent aux fournisseurs de services. À date, 65% des investissements ont atterri dans la poche de ces petites et moyennes entreprises.
«Les solutions d’IA appliquées aux chaînes d’approvisionnement permettent de mieux prévoir les problèmes avant qu’ils ne surviennent réellement, de mieux anticiper les demandes des clients, de mieux suivre les conteneurs et de mieux anticiper les bris de machines dans la production», illustre le PDG de Scale AI.
Cette technologie permet également d’optimiser toutes les ressources, y compris les ressources humaines, et d’utiliser moins de camions pour transporter une même quantité de biens.
La recherche à Montréal s’éloigne donc de ce que l’on nomme l’IA générative – ce qu’est, par exemple, ChatGPT, qui génère du contenu à partir d’une banque de données. «On est sur des solutions pour les entreprises, plus sur du “sur-mesure”.» Conséquence: les entreprises québécoises de ce secteur émergent ont encore du travail à faire pour s’imposer sur le marché.
Une étude de la Banque de développement du Canada (BDC) publiée en 2022 montrait que si 91% des PME canadiennes ont massivement investi dans la technologie ces dernières années, seulement 5% en tirent un réel profit.
Il reste du chemin à parcourir
À Montréal, l’écosystème d’IA est principalement composé de petites et moyennes entreprises, ou de jeunes pousses. Comme pour Scale AI, le Mila veut «s’assurer que cette technologie-là mène à de la prospérité économique et mène à de la croissance économique», affirme Mme Pisano. Pour y parvenir, il reste encore des défis à relever.
«Il y a une opportunité qu’on doit saisir rapidement parce que si on ne bouge pas, d’autres vont bouger. Mais tous les ingrédients sont là et ce qui est le fun, c’est de voir l’écosystème qui se mobilise pour faire arriver ça. C’est notre rêve à tous d’avoir des entreprises démarrées ici, à Montréal, et qui ont porté fruit un peu partout dans le monde.»
Il faut les aider à se mettre de l’avant. Il y a une partie qui est le talent, il y a une partie qui est la visibilité internationale, et les capitaux. Notre problème, c’est que l’on a une culture de la prise de risque un petit peu plus frileuse au Québec et au Canada qu’elle peut l’être ailleurs dans le monde.
Valérie Pisano, PDG du Mila
La femme d’affaires croit qu’il «faut être juste un petit peu plus musclé, un petit peu plus agile, mais agressif, cohésif et organisé». Le Mila, tout comme Scale AI, travaille à ce propos avec le gouvernement du Québec et le Conseil d’innovation du Québec.
Il ne faut pas oublier que l’industrie n’en est qu’à ses balbutiements. Julien Billot aime comparer l’IA de 2023 à l’internet de 1995. «L’IA est là où se trouvait la construction des sites web dans les années 2000», résume-t-il. C’est-à-dire dans des services sur mesure. Le prochain défi des entreprises montréalaises sera de passer à la commercialisation de produits d’intelligence artificielle. Elle pourrait même renforcer sa place de leader en devenant numéro un en IA responsable.