La semaine dernière, j’ai publié sur ce blogue la lettre d’un lecteur anonyme qui critiquait vertement André Gagnon et le groupe LGBT pour la laïcité. Comprenant l’iniquité de faire porter à un auteur anonyme des propos aussi dénonciateurs à l’endroit d’une personne dûment identifiée, j’ai publié un mea culpa. Je donne ici le droit de réplique à monsieur Gagnon.
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La diffamation est-elle «inclusive»?
J’ai été profondément dégoûté en lisant la chronique de Judith Lussier parue le 12 novembre dernier dans Métro «Une montée de l’homonationalisme?» où j’étais associé ainsi que le collectif LGBT pour la laïcité dans le cadre du présent débat sur une charte de la laïcité, à un mouvement haineux «ouvert à la diversité sexuelle, mais fermé à la diversité religieuse». Utilisant de façon assez peu subtile une lettre anonyme pour déverser son fiel sur nous, la chronique nous qualifiait de «visage gai de la haine» envers «entre autres, les musulmans», de tenir des «propos haineux», ayant «régulièrement recours à des discours qui proviennent de commentateurs d’extrême-droite états-uniens et européens», «anti-immigration», «banalisation du racisme», etc. À travers l’auteur anonyme de sa lettre, Mme Lussier s’interrogeait sur pourquoi «aucun leader de la « communauté LGBT » ne critique les propos de M. Gagnon et de ses acolytes pour ce qu’ils sont: des propos racistes, xénophobes, islamophobes et même sexistes».
Il y a deux semaines, j’ai signé une réponse (cosignée et appuyée par plus de 1500 personnes) à une tribune libre de M. Rémi Bourget, président-fondateur de ‘Québec inclusif’ intitulé ‘Un combat pour la liberté’ où il se servait d’une comparaison entre l’homophobie et la soi-disant «islamophobie» pour essayer de prouver que refuser le port de signes religieux dans les services publics mènerait à une hiérarchisation des droits dangereuse et qu’il faudrait s’y refuser pour ne pas «ouvrir grand la porte à la discrimination». Nous réfutions cet amalgame en rappelant que l’orientation sexuelle n’est pas un choix contrairement à la religion qui relève des idéologies comme pour les idées politiques qui font déjà l’objet d’un devoir de réserve pour les employées de l’État.
Nous rappelions qu’il est faux de prétendre que «les droits fondamentaux sont égaux entre eux» comme le prétendent M. Bourget et son organisme puisque la liberté de religion est non seulement inscrite dans la Constitution canadienne (contrairement au droit à l’égalité sans égard à l’orientation sexuelle qui relève d’une interprétation des tribunaux), mais qu’elle jouit aussi de privilèges comme celui d’être à l’abri de poursuites en vertu du Code criminel pour propagande haineuse quand les propos – sur l’homosexualité notamment – sont fondés sur une opinion ou des textes religieux (article 319.3.b).
Évidemment, cette réplique documentée fait mal aux prétentions d’inclusion de cet organisme auquel Mme Lussier est liée et à sa position dans le débat sur la Charte de la laïcité. Car se prétendre «inclusif» quand on limite cette inclusion aux seules «minorités religieuses» et aux «minorités ethniques», en faisant fi et en passant sous silence les préoccupations légitimes des minorités sexuelles face à la montée des intégrismes de religions ouvertement homophobes, voilà une vision assez singulière de l’inclusion. Surtout quand on défend une liberté déjà privilégiée dans notre société.
Il semble bien que ne pouvant contredire nos arguments, Mme Lussier ait choisi de passer à la diffamation ce qui semble une pratique courante chez ces soi-disant «Inclusifs». En aucun cas, notre collectif n’a suggéré de refuser l’espace public à la diversité religieuse, pas plus qu’il refuse la diversité religieuse au travail comme le suggère son soi-disant Mea Culpa. Nous soutenons toutefois que le refus du port de signes religieux est une limite raisonnable à la liberté de religion des employé-e- de l’État comme l’ont déjà statué plusieurs cours dans les pays européens où un tel devoir de réserve existe.
Le reste des accusations est à l’avenant. Fidèle à son habitude, comme dans le «Manifeste pour un Québec inclusif», corédigé par Mme Lussier, les partisans de la laïcité sont dépeints comme des «racistes», «xénophobes» et «islamophobes». La tactique est simple: diaboliser l’adversaire comme le font les «Inclusifs» depuis le début du débat. Elles sont d’autant plus choquantes que notre collectif comprend de nombreuses personnes qui militent depuis plusieurs années pour la laïcité, féministes, lesbiennes, gaies, bisexuelles, transsexuelles, transgenres (LGBT), des gens aussi comme moi qui ont participé à d’innombrables mouvements de solidarité internationale au cours de leur vie. Comme dans tout groupe ouvert, en création, qui se veut un forum démocratique, il peut y avoir des dérapages de quelques personnes, des personnes qui cherchent à manipuler la cause de la laïcité à d’autres fins et face auxquelles nous sommes appelés à réagir. Comme il y a parmi les opposants à la Charte pas mal de gens qui ont des fins beaucoup moins nobles que celles qu’ils prétendent servir, qui se gargarisent à l’heure actuelle de «liberté» et «d’égalité»mais dont l’agenda est tout fait d’intégrisme intolérant. Comme il y a parmi les opposants à la charte des gens qui tiennent des propos carrément racistes contre les Québécois et Québécoises.
Réduire un groupe ou un mouvement à ces quelques personnes, à des propos isolés, les généraliser et les prêter à tous les membres d’un groupe, c’est sombrer de façon totalement inadmissible dans la diffamation. Il est assez paradoxal que celle qui défend que tous les croyants ne sont pas nécessairement d’accord avec les dogmes homophobes que la plupart des religions professent en disant qu’«il ne faudrait pas présumer que tous les croyants sont homophobes et qu’ils devraient ainsi être pénalisés par association», n’applique pas a fortiori cette logique quand il s’agit d’un groupe ouvert, aux membres hétérogènes qui ne partagent pas nécessairement la même idéologie et n’adhèrent surtout pas à un dogme.
C’est d’autant plus intolérable quand la personne qui se livre à cette manœuvre est la même personne qui vous a interviewé de façon totalement irrespectueuse le 25 septembre dernier pour le journal Métro, et qui, devant la solidité de vos arguments, devant sa propre ignorance, a préféré ne rien imprimer et taire votre point de vue…. Comme l’a fait Mme Lussier à notre égard.
Il est tout aussi paradoxal pour Mme Lussier et ses amis «inclusifs» d’appeler au «dialogue» entre Québécois et Québécoises et de tomber ainsi à bras raccourci et sans aucune nuance sur ceux et celles qui ne partagent pas leur point de vue à grands coups d’anathèmes, d’accusation de «racisme», de «xénophobie», de «sexisme», «d’islamophobie», «d’homonationalisme». C’est bien simple: la seule analogie qui me vient à l’esprit, ce sont les condamnations tous azimuts des pécheurs s’éloignant du dogme auxquelles nous ont habitué certaines religions qui se gargarisent de messages «d’amour et de paix». Est-ce en diffamant et en stigmatisant ceux et celles qui ne pensent pas comme eux que nos «Inclusifs» veulent construire le Québec de demain? Voilà qui est bien plus inquiétant que nos différents dans le présent débat.
En ce qui nous concerne, la création de notre collectif vise précisément à briser le silence entourant nos préoccupations comme LGBT dans ce débat sur la laïcité de l’État. Avant notre prise de parole, toute la place était occupée par les soi-disant attaques aux droits des minorités religieuses. Le silence était complet sur les privilèges accordés aux religieux qui attaquent nos droits et notre dignité. Une société doit pouvoir équilibrer les droits des uns et des autres. Et quand certains se servent de leurs droits et de leurs privilèges pour tenter de nier les droits des autres, ils doivent s’attendre à voir cette liberté contestée et limitée.
Les appels à nous faire taire ne nous intimideront pas. Cela dérange peut-être les certitudes et les prétentions de certains, de certaines. Mais nous nous sommes tus trop longtemps, ostracisés précisément pendant des siècles par des religions qui nous condamnaient à périr dans la violence, sur le bûcher ou sous les mains du bourreau. Ce temps est révolu quoiqu’en pensent certaines personnes qui veulent faire reculer les horloges du temps.
André Gagnon
Ont cosigné:
Marie-Louise Anctil
Christophe Audy-Brodeur
Michel Bazinet
Louise Beauchamp
Maude Beaulac
Diane Beaulieu
Étiennette Bélanger
Salim Bellazoug
Jean Réal Bellerose
Layachi Benabdelhak
Djemila Benhabib
Lily Bergeron
Mario G. Bergeron
Martin Bergeron
Anne-Marie Bilodeau
Eve Bilodeau
Yvon Bisson
Louis Blais
Richard Blais
Vérose Blance
Carl Boileau
Claudine Baudoux
Martin Bergeron
Eve Candie
Jean-Marc Cardinal
Julien Carignan
Stéphane Casselot
Olivier Chantraine
Yvon Chartrand
Jean Comeau
Denise Cormier
Marjolaine Côté
Zack Damon
Maxime De Blois
Claude Daigle
Nicole Daigle
Idir Dalouh
Fatima Da Silva
Eric Debroise
Linda De Lisio
Manon Deschênes
Monique Desmarais
Richard F Desrosiers
Sohny Desrosiers
Nathalie Di Palma
Jean-François Dion
François Doyon
Antoine Dubuc
Jean-Charles Del Duchetto
Shiva Firouzi
Suzanne Forcier
Jeannine Fournier
Jean-Daniel Frenette
Marie Gabrielle
Normand Gagné
Céline Galipeau
Marie-Hélène Gauthier
Christian Généreux
Yvon Godon
Yvon Goulet
Stacey Gravel
Mylène Grenier
Denis Groulx
André-Bernard Guérin
Paul Haince
Christophe Jouniaux
Kelsey Karl
Harald Kaufmann
Martine Jean
Mathieu Laca
Normand Lacroix
Hélène Laliberté
Jacqueline Landau
Michel Lapointe
Bernard LaRivière
Serge Jean Laviolette
Stéphanne Lavoie
Evelyne Leballeur
Hélène Leboeuf
Brian LeCompte
Lorraine Lefebvre
Louise Lemay
Georges Léonard
Gaston Malo
Éric Malouin
Guy Michaud
Manon Michaud
Estelle Miousse
Rodney Moore
Hélène Morin
Athmane Mzouche
Hien Nguyen
Thanazgha Ni
Adrien Ouellet
Manon Ouellet
Jean-Charles Panneton
Marie-Andrée Paquet
Martin Paquette
Alain Paré
Richard Patry
Maude Payette Beauchesne
Anne-Marie Pelletier
Daphné Poirier
Artie Prado
Fourati Rakia
Daniel Raymond
Guy Renaud
Pierre A. Renaud
Micheline Rioux
Nicolet Rivet
Mathieu Roy
Nicole-Patricia Roy
Guy Renaud
Fred Saint-Jean
Stéphanie-Maude Savard
Maxime Schinck
Danielle Senez
Diane Simard
Gilles Simard
Jean-Nicholas Simard
Marthe Simard
Viviane Sirois
Linz Soleil
Denis Sylvestre
Pat Tab
Denis Thériault
Mariz Tremblay
Denise Trépanier
Francine Trudeau
Patrick Verret
Et plus de 500 autres cosignataires