En entrevue avec Métro, l’ancienne cheffe du Parti libéral du Québec (PLQ) Dominique Anglade a soutenu ne pas avoir de plan de retour en politique. L’ex-députée de Saint-Henri-Sainte-Anne assistait jeudi soir à Fondu au noir, une activité organisée dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs.
Pour la première fois depuis son départ du PLQ, Mme Anglade a accordé une entrevue à Fabienne Colas, dont la Fondation est à l’origine de l’activité. Mme Colas lui a demandé pourquoi elle fuyait les médias.
«Parce que je fais un peu ce qui me tente», a-t-elle lancé à la blague, suscitant les éclats de rire, avant de répondre plus sérieusement. «Quand tu quittes une formation politique, c’est un moment important pour toi et pour le parti, a-t-elle dit. Je pense qu’il y a un moment pour tout. Je ne voulais pas parler pour éviter la confusion, pour prendre un peu de recul.»
Mme Anglade a confié que le jeu ne valait plus la chandelle pour elle au sein du parti. Lorsqu’elle a été interrogée sur l’acharnement de ses propres collègues sur elle, Mme Anglade a refusé de contre-attaquer et a répondu avec un peu de philosophie à la question.
Écoutez, j’ai fait sept ans en politique: députée, ministre, vice-première ministre, cheffe de parti, de l’opposition. J’ai fait trois élections, élevé trois enfants. J’ai écrit un livre et je suis encore avec le père de mes enfants… Je suis bien contente d’avoir quitté.
Dominique Anglade, ancienne cheffe du PLQ
Elle a quitté plusieurs fois
Malgré tout, Dominique Anglade ne semble pas avoir dit son dernier mot. De façon anecdotique, elle a évoqué un poème et une chanson de deux auteurs différents avec le même titre, Inarrêtable, que sa sœur a partagés avec elle. Elle a indiqué les aimer beaucoup, dans la mesure où cela permet de reprendre son souffle.
«Plusieurs fois dans ma carrière, j’ai eu à m’arrêter, parfois volontairement, parfois involontairement. Mais à chaque fois, cela m’a permis de grandir, de réfléchir, et c’est là qu’on retrouve la force de rebondir», a affirmé l’ancienne cheffe de l’opposition.
Elle a parlé également de son passage difficile à la Coalition avenir Québec (CAQ) avec François Legault, avant d’aller à Montréal international. Elle a quitté la CAQ à la suite d’une chicane autour du virage identitaire du Parti. «On m’avait dit à l’époque: les gens vont aimer cela», a-t-elle révélé, en se disant que «la politique, c’est fini».
Le chef de cabinet de l’ancien premier ministre Philippe Couillard m’a appris qu’en politique, il ne fallait jamais dire non.
Dominique Anglade, ancienne cheffe du PLQ
Première première ministre noire?
Mais se faire élire première première ministre noire du Québec est une autre paire de manches. Un journaliste lui avait déjà demandé si le Québec était prêt à voter pour une femme noire. Jeudi soir, à la grande bibliothèque, Fabienne Colas lui a demandé si elle avait été surprise de la question.
«Non, non…, a-t-elle répondu. Lorsque je me regarde dans le miroir, je ne suis pas la politicienne typique qu’on a vue par le passé. La réalité est que le monde change et tu amènes autre chose et c’est toute une société qui doit s’habituer à cela.»
Plus tard, elle a jouté que «les gens sont prêts, mais il faut un certain temps». La nomination cette semaine d’un premier juge noir de 35 ans seulement à la Cour du Québec représente, a-t-elle souligné, un bon pas vers cet objectif, cet apprentissage.
Elle a aussi soutenu l’idée que les gens comme elle ne doivent pas hésiter à aller vers les autres et à communiquer avec eux. «Lors de la dernière campagne électorale, dans les régions où je suis allée, j’ai entendu des commentaires du genre: ah… on ne savait pas qu’elle était comme ça, elle est plus fine qu’on pensait.»
Racisme indirect
Née à Montréal de parents haïtiens, Dominique Anglade dit n’avoir pas vécu du racisme dans sa carrière professionnelle ou politique. Mais de façon indirecte, oui, elle a déjà entendu des «commentaires qui sont inacceptables» pour sa communauté. Lors d’un événement d’une importante organisation culturelle à Montréal, il y a quelques années, elle dit avoir fait la connaissance d’un dirigeant qui lui a dit: «Ah, c’est intéressant de rencontrer une jeune haïtienne dynamique parce que tous les Haïtiens que je connais sont paresseux».
«J’ai dit: ah vraiment? Vous devez parler de… Dany Laferrière? Ou est-ce que vous faites référence à Yvette Bony ou Jean Claude Fourron?», a-t-elle ironisé.
La Dre Bony, qui a étudié à la faculté de médecine de Port-au-Prince, a réalisé la première greffe de moelle osseuse au Québec, comme hématologue. Le Dr Fouron, lui, a identifié l’isthme aortique en tant qu’unique shunt aortique fœtal, qui a eu une influence majeure sur l’amélioration de la santé des tout-petits.
«Cela m’est arrivé plusieurs fois de devoir remettre les pendules à l’heure» a ajouté Dominique Anglade, un brin émotive. Un autre jour, alors qu’elle était à Montréal international à discuter d’immigrants qui quittent le Québec au profit de l’Ouest canadien, un président d’entreprise lui aurait dit: «C’est vrai qu’on perd deux médecins et l’on se retrouve à aller chercher deux Haïtiens».
Le comble de cette histoire, c’est qu’on était le 12 janvier, jour du tremblement de terre au cours duquel j’ai perdu mes deux parents.
Dominique Anglade, ancienne cheffe du PLQ
Son père, le géographe Georges Anglade, a contribué à mettre sur pied l’Université du Québec à Montréal (UQAM). «Et c’est à ce moment-là qu’il est devenu rouge et qu’il a commencé à me dire que: Je pense que je viens de me mettre les pieds dans la bouche. Et, je lui ai répondu: pas à peu près…»