Culture

Les affamés: des zombies sans compromis

Les affamés est sans complexe. Un film de zombies totalement assumé, sans compromettre la vision de son auteur et réalisateur, Robin Aubert.

«Robin ne s’est pas dénaturé. Il a fait un film d’auteur, de genre», a expliqué Brigitte Poupart, absolument sublime dans le rôle de Céline, une mère de famille qui a tout perdu et qui chasse désormais du zombie à la machette. «Tu vois sa signature tout au long du film. Ça, c’est extraordinaire.»

L’action se déroule dans un petit village du Québec (le film a été tourné à Ham-Nord, au Centre-du-Québec, le patelin du réalisateur). Des hordes de zombies arpentent les champs, les routes, les forêts. Au moindre bruit, les affamés accourent. Par obligation ou par simple hasard, des survivants se regroupent dans l’espoir de tenir un peu plus longtemps. Quelques indices laissent croire que l’épidémie est généralisée, mais les détails sont rares et c’est tant mieux. Les sentiments d’isolement et d’impuissance n’en sont qu’amplifiés.

Marc-André Grondin, qui joue Bonin, un gars tout ce qu’il y a de plus ordinaire qui tente de s’accrocher à un semblant de normalité à grands coups de jokes niaiseuses, a été surpris quand il a vu le produit fini pour la première fois. «J’avais vraiment l’impression que nous avions tourné un film d’auteur qui avait un peu de zombies dedans. Le film de genre, l’humour, le film d’auteur, tout était là dans le scénario et au tournage, mais une fois monté, c’est tellement bien équilibré. On peut vraiment assumer que c’est un film de zombies.»

Chaque personnage est brisé dans Les affamés. Ils ont tous été témoins de la mort violente d’un de leurs proches ou ont dû tuer des membres de leur famille ou des amis parce que ces derniers essayaient de leur arracher la jugulaire.

Souvent les deux.

«Il est beaucoup questions de rituels dans Les affamés. Des rituels que nous conservons même quand nous devenons des zombies, comme la nécessité de nous retrouver en clan.» – Brigitte Poupart, qui joue le rôle de Céline dans Les affamés.

Ce genre d’univers cinématographique est rare au Québec, ce qui a permis aux acteurs d’explorer de nouveaux registres d’émotions. «Je ne savais pas jouer la peur et j’ai appris à le faire avec Robin, a expliqué Monia Chokri, Tania dans le film. La peur, c’est quelque chose qui se joue dans le ventre et non dans le visage, comme on le voit dans beaucoup de films d’horreur.»

Le personnage de Monia Chokri, contrairement aux autres protagonistes, ne semble pas venir du coin. Elle est redoutée des autres, car elle a des traces de morsure à la main. Elle dit avoir été attaquée par un chien. Ou était-ce un affamé?

S’il y a quelques déluges d’hémoglobine (le personnage de Brigitte Poupart nous rappelle parfois The Bride, joué par Uma Thurman dans Kill Bill), Les affamés n’est pas une orgie sanguinaire. Les moments de terreur les plus efficaces sont présentés en toute simplicité. Il y a une scène où les simples claquements de trappes à souris qui se referment donnent froid dans le dos.

En contrôle
Dans l’effort de survie, les femmes sont celles qui mènent la charge dans Les affamés. En plus des personnages de Brigitte Poupart et de Monia Chokri, on trouve un magnifique duo formé de Pauline (Micheline Lanctôt) et de Thérèse (Marie-Ginette Guay). Les deux matriarches mènent le groupe, tout en discutant du dosage d’aneth des cornichons maison entre deux attaques de zombies. «Les femmes ont une grande place. C’est plutôt original comme proposition dans un film d’horreur, et ça reflète la société québécoise, a indiqué Brigitte Poupart. Dans des cas de résilience extrême, de survie, je ne serais d’ailleurs pas surprise que ce soit les femmes qui aillent au front.»

Interprétations
Robin Aubert connaît bien les films de zombies (il remercie d’ailleurs le parrain du genre, George Romero, dans le générique). Il maîtrise les codes, mais cela ne l’empêche pas d’apporter sa touche bien à lui au monstre. Les affamés d’Aubert ne sont pas que des bêtes en quête de chair humaine. Ils semblent avoir conservé au moins une parcelle d’humanité. Ils érigent des montagnes d’objets, souvent des chaises, autour desquelles ils se rassemblent (se recueillent?).

Le réalisateur n’a pas voulu dire à ses acteurs ce que ces autels représentaient. Chacun pourra y voir ce qu’il désire.

«Pour moi, ce sont les objets qui nous survivent, a dit Brigitte Poupart. Ce sera notre seule trace si l’humanité disparaît.»

«Quand j’ai vu ces montagnes, j’ai trouvé que les zombies avaient l’air de penser à leur vie d’avant. Ils sont plus humains quand ils sont près d’elles, ils sont plus calmes», a pour sa part indiqué Marc-André Grondin.

«La réflexion que j’ai eue est que la consommation nous perd, a ajouté Monia Chokri. Ils se rassemblent autour d’un mausolée d’objets, comme s’ils étaient complètement obsédés, hypnotisés par ceux-ci.»

Il y a autant d’interprétations que de personnes interviewées. Au tour des cinéphiles québécois de se prêter au jeu.

 

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