Avec son dixième long métrage, Ta peau si lisse, Denis Côté continue de surprendre en débarquant à nouveau là où personne ne l’attendait.
Le cinéaste le plus anticonformiste du Québec qui fait un documentaire sur le culturisme? L’idée a de quoi décontenancer, bien qu’elle ne reflète pas la réalité. Si Ta peau si lisse suit effectivement le quotidien de six hommes qui s’entraînent inlassablement, il n’est pas question de masculinité, de drogues ou de concours.
«Il y a un plaisir un peu malsain à ne pas donner au public ce qu’il attend d’un film de bodybuilding, avoue son réalisateur en entrevue. Mon défi, c’était de prendre un vieux sujet qui a été vu 50 000 fois au cinéma et de voir si je pouvais avoir mon regard personnel là-dessus.»
Au menu, il n’y aura donc ni entrevues, ni narration, ni cynisme, ni ironie. Qu’une succession d’images évoquant la sublimation. Les êtres demeurent des mystères, des corps abstraits et impressionnistes.
Alors que le réel semble de tous les instants, le metteur en scène s’amuse à y intégrer de la fiction, beaucoup de fiction, créant un hybride entre le vrai et le faux. Un laboratoire où rien n’est laissé au hasard, jusqu’à ce que le sort en décide autrement. «J’aime ça, contrôler quelque chose et que, tout d’un coup, il y ait un accident», avoue le créateur.
Après Boris sans Béatrice, qu’il juge trop lisse et trop préparé, Denis Côté avait besoin de rebondir, de baisser la garde. De revenir à ces petits ovnis dont il a le secret et qui sont nés en toute liberté, avec trois fois rien, comme Que ta joie demeure.
«Bestiaire et Carcasses sont des objets qui sont faits exclusivement avec la tête, décortique l’homme derrière Curling. Au Québec, je trouve qu’on ne fait jamais assez de films avec nos têtes. C’est toujours la dictature des émotions, on fait des films avec notre cœur. Ce film-là, je l’ai approché encore une fois avec ma tête, mais j’ai été pris par mon respect et par mon amour pour ces gars-là. Mon film s’est réchauffé par lui-même.»
Ta peau si lisse
En salle vendredi
«Les plus petits films, ce sont ceux que je préfère faire. Dès que j’en fais un, ça me rebooste en confiance et en énergie pour attaquer la suite.» –Denis Côté, réalisateur
Les premiers pas
De mercredi à vendredi, la Cinémathèque présentera les quatre premiers films de Denis Côté. «C’est le fun de revisiter tout ça, je n’ai honte de rien, assure le cinéaste. Mes films sont des briques et il y a un mur, une œuvre. Il y a des films plus étranges que d’autres, comme Nos vies privées, où je suis un peu “wow!” et un peu “ouache”. C’est bien bizarre. Tandis que Elle veut le chaos, il m’est totalement étranger, c’est comme une autre personne. Les états nordiques va toujours être super proche de mon cœur et Carcasses sera toujours un de mes préférés.»