Après avoir été la vedette d’une série de films de Pierre Perrault et de Bernard Gosselin sur l’Abitibi, Hauris Lalancette se retrouve une fois de plus devant la caméra. Ce fier agriculteur à la langue bien pendue, défenseur de sa terre, a été retracé par Denys Desjardins, qui a voulu savoir ce qu’il était devenu. Le réalisateur a retrouvé un homme toujours aussi bouillant, mais aussi son fils et sa petite-fille, prêts à sauver l’héritage familial.
C’est donc à travers la famille Lalancette que Denys Desjardins retrace la vie des colons en Abitibi, depuis les premiers documentaires de l’abbé Proulx jusqu’à l’époque du cinéma direct de Perrault. Le cinéaste souligne par le fait même, dans Au pays des colons, l’impact de l’exode des régions et les conséquences de la politique d’exploitation des ressources naturelles, laquelle a fait vivre des villages, mais les a aussi tués.
«On ne connaît pas trop ça, les régions, on va en Gaspésie en touristes et on trouve ça beau, souligne Denys Desjardins, un gars de ville qui a grandi à la campagne. On est content que ça existe, les régions, mais on n’a pas le temps de comprendre leurs problèmes. En fréquentant une famille, j’ai pu voir que ces problèmes ont beaucoup à voir avec l’exploitation des ressources. Je me suis mis à faire des liens. Dans les colonies, au début des années 30, on envoyait aussi des gens pour exploiter les ressources. Ils font encore ça. C’est ce que je voulais dénoncer aujourd’hui.»
Villages fantômes
Les petits villages de l’Abitibi se vident, les mines ferment, les scieries tombent comme des mouches, les agriculteurs ont peine à vivre, ce qui a entre autres mené à la fermeture du dépanneur et de la caisse populaire de Rochebaucourt, la minuscule ville des Lalancette. «D’ailleurs, Dany, le fils d’Hauris, me disait de ne pas lui envoyer de courriels, mais plutôt du courrier, parce que le bureau de poste risquait de fermer», explique le réalisateur.
Devant l’adversité, les Lalancette arrivent à vivre en vendant quelques vaches, en conduisant l’autobus scolaire et en étant autosuffisants. Ils vivent un peu à l’ancienne, mais ils sont fiers de tenir une vraie ferme familiale comme il ne s’en fait quasiment plus.
En les côtoyant de 1998 à 2005, Denys Desjardins a vu grandir la petite-fille d’Hauris, Laurie, qui croit dur comme fer qu’elle prendra la barre de la ferme dans quelques années et qu’elle réussira à repeupler son village. «J’aimerais que, dans 30 ans, quelqu’un aille filmer la petite, qui a la fibre du colon, pour voir si elle est toujours là et si elle a réussi à réaliser son rêve», espère Denys Desjardins.
Au pays des colons
En salle dès aujourd’hui