Culture

Place publique: Les règles du jeu

Fine observatrice des mœurs actuelles, Agnès Jaoui continue à s’intéresser, avec son nouveau film Place publique, aux contradictions des gens et à la dérive de la société.

«Les émissions intéressantes sont tellement intéressantes que personne ne les regarde», lance un des protagonistes du long métrage. S’il y a quelque chose qui ne change pas, ce sont les dialogues mordants d’Agnès Jaoui et de Jean-Pierre Bacri.

Une plume qui a marqué le cinéma français et qui fait mouche depuis plus d’un quart de siècle, traitant avec justesse des clivages entre classes sociales, de la célébrité comme instrument de pouvoir, du culte de l’image, du poids de la famille et des rapports hommes-femmes.

Cette plume opère de nouveau dans leur dernière création : une fête où les invités se déchirent involontairement. «La fête est privée, dans l’instant présent, ce qui n’existe plus vraiment à notre époque, relate au bout du fil la metteuse en scène, en parlant de l’omniprésence des médiaux sociaux. On est toujours maintenant dedans, dehors, à écrire ce qu’on vit… On a l’impression que le progrès fait reculer la société.»

Le processus d’écriture du tandem, lui, demeure le même. «Je vois toujours Jean-Pierre de 15 h à 19 h, relate la réalisatrice. On a chacun son cahier. On discute jusqu’à trouver des scènes et des personnages qui conviennent à tous les deux, jusqu’à déterminer une histoire.»

Afin de pimenter les situations, l’ex-couple a décidé d’incarner à l’écran… d’anciens amoureux qui ne partagent plus les mêmes valeurs. «C’est vrai que le fait d’avoir un passé intime commun, ça nous amusait de jouer avec, lance en riant la cinéaste. Et ça nous amusait d’incarner ce qui reste de la gauche et de la droite. Mais c’est surtout qu’on avait envie d’avoir plus de scènes ensemble que d’habitude.»

Davantage mélancolique que les précédentes réalisations du duo, Place publique s’apparente à une comédie dramatique crépusculaire, où le temps qui passe fait lentement mais sûrement son effet.

Difficile de ne pas dresser un parallèle avec l’âge d’or du tandem – de 1993 à 2004 – qui a offert des scénarios mémorables à Alain Resnais et Cédric Klapisch, avant de pondre ses propres opus Le goût des autres et Comme une image. Depuis, les films se sont succédé (Parlez-moi de la pluie, Au bout du conte), mais le succès a faibli.

«C’est une sensation que j’ai reçue du public, avoue Agnès Jaoui. On se demande si on a moins de choses à dire, d’envie, de certitudes. Probablement. Ou est-ce que, tout simplement, les gens adorent ce qui est nouveau? Je me rappelle lorsque les gens se lassaient de Fellini ou de Woody Allen. Comment on peut, tout d’un coup, moins aimer ce qu’on aimait auparavant?»

«Ce n’est pas facile de vieillir et, surtout, de bien vieillir. Parfois, l’amertume l’emporte, et les gens confondent leur jeunesse avec le sentiment que c’était mieux avant», souligne Mme. Jaoui.

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