Marc Labrèche a ajouté une corde à son arc cet automne avec le dévoilement de son projet Le cri du rhinocéros à la télé de Radio-Canada (et sur Tou.tv). Le documentaire d’une heure s’articule autour de questions quand même claires: est-ce que les artistes ont une date de péremption? Est-ce qu’ils peuvent, à un moment donné, avoir fait le tour de tout ce qu’ils avaient à dire?
Pour réfléchir sur ces questions, Labrèche a fait du millage afin de rencontrer plus d’une dizaine d’artistes de toutes les sphères, de Denys Arcand à Xavier Dolan en passant par John Irving et Frédéric Beigbeder. Nathalie Petrowski, dans une chronique, lui a reproché un documentaire presque exclusivement masculin, avec raison, mais Labrèche a défendu sa liste impressionnante de collaborateurs en soulignant les efforts faits afin de récolter des témoignages féminins. Sans entrer dans ce débat, c’est évident qu’il nous trotte en tête lorsque l’on visionne le documentaire, même si ultimement, l’absence de parité n’est pas un frein à la réflexion.
Probablement parce que la réflexion n’a pas de réelle destination.
J’ai pourtant aimé cette offrande de Labrèche qui conserve ses couleurs, sa voix unique et son univers glissant à l’intérieur duquel les dérapages sont encouragés, voire souhaités. Mais après une heure d’extraits de conversations entrecoupées de petites blagues du vétéran créateur, j’aurais souhaité avoir quelque chose de plus près d’une piste de réponse au lieu de tirer une conclusion approximative sur la fascination envers la jeunesse. On soulève beaucoup de réflexions et de bons mots, mais l’hypothèse initiale n’est pas soutenue. Elle devient vite un accessoire à la conversation et le documentaire se dédouane de sa «responsabilité éducative» en explosant le cadre. Ainsi, les micros s’invitent dans l’image, on expose les coulisses des rencontres et la narration humoristique désamorce le sérieux de l’entreprise.
C’est un visionnement plaisant qui aurait pu être un visionnement essentiel. Labrèche, au final, n’assume pas les questions sérieuses qu’il soulève, comme s’il avait peur des réponses. Pourquoi? Difficile à dire, mais j’aurais adoré entendre plus de confidences au-delà des rires complices.
Et j’aimerais un jour voir un projet de Marc Labrèche où le cabotin ne prendrait pas le dessus sur l’homme curieux et complice qu’il est lors de ses entrevues. J’ai l’impression qu’il pourrait nous en apprendre beaucoup s’il allait au bout des questions qu’il soulève.