La voix de Chloé Ste-Marie s’ajoute à l’épineux débat de l’appropriation culturelle. À la suite de son passage à l’émission «Espaces autochtones» de Radio-Canada, la chanteuse se porte à la défense du concept par voie de communiqué.
Pour appuyer ses propos, Chloé Ste-Marie se réfère à l’histoire québécoise, plus particulièrement aux noms du Canada et du Québec qui sont des noms autochtones transformés, «tout comme le Mexique, Haïti, etc. Mais à l’inverse du Canada franco et du Mexique hispano, les États-Unis (d’Amérique) ont exclus avec véhémence de leur projet toute référence au monde autochtone. Pour s’accaparer pour eux-mêmes le nom italien d’Americo Vespucci qu’ils ont soutiré au continent en entier.»
Elle prend aussi pour exemple les appropriations commises par d’autres artistes qui ont donné lieu à des oeuvres marquantes: «Quand Léonard Cohen chante “Un Canadien errant” sans autre autorisation que la joie qu’il en retire, va-t-on le dénoncer au tribunal de l’intégrité morale plutôt que de célébrer la beauté vibrante de son interprétation? Quand l’univers entier, sous le phrasé-musiqué franco-créole jaser… jase… jazz…, s’approprie le rythme-beat de la Nouvelle-Orléans pour le transporter jusqu’au Japon, qui s’insurge dans la salle?»
Impliquée dans les communautés autochtones, Chloé Ste-Marie a chanté en innu, mohawk et inuktitut. En 2009, elle a signé un album entièrement en langue innue, Cinnue, Nitshisseniten e tshissenitamin (Je sais que tu sais). Elle collabore depuis avec la poète innue Joséphine Bacon dont les mots se sont retrouvés sur l’album À la croisée des silences en 2014.
«Je choisis un poème parce que je l’aime. Et c’est peut-être lui qui me choisit. Et tout poème qu’on refuse de lire, tout poème qu’on refuse de dire est un poème qui s’éteint. Toute langue qu’on refuse de parler est menacée d’extinction», écrit-elle.
Selon l’artiste, la polémique actuelle dans la province fait fausse route: «Je ne sais pas où conduit tout le débat sur l’appropriation en cours au Québec et qui en établit les règles. Mais je sens que le Québec fait un effort terrible de désappropriation pour se départir de sa propre mémoire, de son accent…»
Elle conclut son témoignage par une réflexion sur sa propre création: «S’il est une chose que je sais et que je sens en tant qu’artiste interprète, c’est que je vis en constant besoin et en délit d’appropriation. Y compris par rapport à moi-même. Dès que je suis en état de représentation comme l’exige toute performance, je suis en état d’appropriation d’un langage. Un langage artistique présumé exclusif et une interprétation présumée tout autant exclusive.»