L’est de Montréal a particulièrement marqué l’imaginaire du bédéiste Michel Rabagliati. Natif de Rosemont, il a grandi à Saint-Léonard, où il a fréquenté l’école Antoine-de-Saint-Exupéry. Aujourd’hui, il habite Ahuntsic. C’est là qu’il a créé Paul à la maison, nouveau tome de sa célèbre série. D’un ton plus sombre et intimiste, mais toujours humoristique, la bande dessinée aborde les thèmes du deuil et de la séparation, et offre à l’auteur l’occasion de faire le bilan d’une période difficile.
Métro : Un des aspects qui ressort de vos dessins est votre attention au détail, particulièrement dans les arrière-plans.
Michel Rabagliati : On voit beaucoup le quartier et ses particularités architecturales. Il y a de vraies maisons que j’ai photographiées et reproduites. On voit Paul sur le boulevard Gouin, dans la Promenade Fleury. Il y a beaucoup de petits clins d’œil à l’architecture. C’est du trouble à dessiner. Mais ça met le lecteur dans le bain. Je crois que ça plaît. Je trouve aussi cela moins ennuyant que de mettre un trottoir et une maison carrée générique.
À travers vos livres, vous vous mettez en quelque sorte à nu. Comment le vivez-vous ?
Cet album-là est plus difficile à vendre pour moi. Je me mets beaucoup en avant, je parle de mes problèmes. C’est un exercice qui me semble assez salutaire. Mais en contrepartie, je trouve cela gênant d’en faire la promotion. Je ne veux pas en dire plus sur ma vie privée. En réalité, ça va mieux, les choses se sont replacées. J’ai appuyé sur un passage plus difficile de ma vie, et c’est aux lecteurs de s’identifier, ou non.
C’est peut-être aussi une façon d’exorciser ce qui s’est passé ?
Oui, exactement ! C’est une façon de faire un bilan de cette période difficile. J’ai été en relation pendant 35 ans. Je n’avais jamais été seul dans ma vie. C’est un coup assez difficile. Il faut que je m’apprivoise, que j’apprenne à vivre avec moi-même. C’est difficile, mais c’est enrichissant. Il faut être solide, sans attendre les autres pour nous sauver. Je suis encore en apprentissage de cela.
Donc, il faut briser la solitude ?
La bande dessinée est très solitaire; il faut en sortir. Je me cherche des activités extérieures. En 2020, je veux socialiser davantage, aller vers le communautaire, ou faire du bénévolat. J’aime bien les personnes âgées. J’adore leurs histoires. Ça me fascine toujours de savoir d’où les gens viennent. Elles ont du temps pour parler, et j’en ai pour écouter.
Dans la prochaine BD, on verra Paul faire du bénévolat ?
Ça se pourrait, mais je suis rendu au point où je dois laisser la vie venir à moi. J’ai déjà tout couvert de Paul. Je pense que j’ai atteint la limite. Je ne peux pas jurer que c’est terminé. Après Paul dans le nord, je pensais déjà n’avoir plus rien à dire.
Ce sont des projets qui viennent très lentement. Ça a pris deux ans et demi à faire. J’ai l’épaule un peu finie. Il faut que je me méfie des longues histoires qui sont difficiles à faire.
Quel sera le futur, tant pour vous que pour Paul ?
Je vais laisser les histoires venir, je prends des notes. Mes albums ne sont pas numérotés. J’y vais un à la fois, et si je n’ai rien à dire, je me tais. Pour l’instant, je veux savourer l’effet que fera ce livre sur les lecteurs. L’écriture débute souvent quand je commence à m’ennuyer.
Paul à la maison
Michel Rabagliati
La Pastèque
208 pages