Des colocs, un salon, un café et des personnages secondaires typés. Vous pensez avoir vu cette comédie de situation des dizaines de fois? On vous jure que non. Car Rue King est entièrement improvisée par ses comédiens, qui font preuve d’un sens de la répartie et d’une créativité du tonnerre.
L’idée de départ est archi-simple: Pier-Luc (Funk) et Marie-Ève (Morency) cherchent un troisième colocataire avec qui partager leur appartement de la rue King. Ils jettent leur dévolu sur Sophie (Cadieux), une avocate de 42 ans venue refaire sa vie à Sherbrooke.
L’équipe derrière Rue King a volontairement choisi de situer cette comédie dans un cadre on ne peut plus conventionnel de sitcom, avec un salon, un café, des amis et des quiproquos.
«Comme on joue avec le format de la sitcom, il fallait en garder les références, explique en vidéoconférence Vincent Bolduc, producteur au contenu de cette série adaptée du concept allemand Schiller Street. Il fallait avoir une structure que tout le monde comprend avec des histoires d’amour impossible, une mère trop contrôlante, une ancienne conquête qui débarque, des colocs et un café comme lieu de rencontre.»
Car le trio de comédiens ainsi que leur entourage, joué entre autres par les excellents Stéphane Crête, Sylvie Moreau et Mehdi Bousaidan (expert en sorties malaisantes), improvisent tout de A à Z.
Rien n’est écrit. Rien n’est répété. Seules les grandes lignes de la trame narrative sont amenées par une petite équipe d’auteurs composée de Justine Philie, d’Alex Veilleux et de Vincent Bolduc. Le tout est tourné en une seule prise sous le regard amusé de Stéphane Bellavance, qui agit à titre de maître du jeu.
Avec la complicité du public, il transmet des consignes souvent déstabilisantes et très farfelues dans l’oreillette des acteurs afin de guider leur jeu. Un exemple: «Pier-Luc, tu ne peux pas annoncer à Julien qu’il doit partir et ça a rapport avec les bananes». Ou encore: «Sophie, tu es avocate: fais un plaidoyer spontanément».
L’expression dans le regard des improvisateurs lorsqu’ils entendent ces indications est tordante. «Pour avoir joué avec eux, je savais qu’ils étaient capables d’être à l’aise, mais là, je les ai vus complètement désarçonnés. Je voyais leur regard de merlan frit…!» lance en riant Vincent Bolduc.
Rue King, du jamais-vu
Le résultat de cet exercice de haute voltige est aussi surprenant qu’hilarant. Si «le gâteau a levé», comme le dit Vincent Bolduc, c’est notamment parce que la série rassemble une «équipe de rêve» formée de pros de l’impro.
Tous les comédiens à l’écran ont une solide expérience en la matière. Mais improviser une comédie de situation est une autre paire de manches que de disputer un match d’impro traditionnel, ont-ils rapidement compris.
«On s’est dit: “On sait de quoi il s’agit, on sait c’est quoi de l’impro”. Mais en fait, on ne savait pas du tout de quoi il s’agissait. C’est de l’impro comme on n’en a jamais fait et comme on n’en a jamais vu», avance Pier-Luc Funk.
«Il fallait que les gens reconnaissent la structure et les repères de la sitcom classique pour apprécier le format éclaté de l’émission.» Vincent Bolduc, producteur au contenu de Rue King
Ce à quoi renchérit sa collègue Sophie Cadieux: «On était dans une structure avec des codes. Tout ce qu’on semait, on devait le récupérer. Les auteurs Alex, Justine et Vincent nous aidaient et nous guidaient là-dedans. Ça a vraiment chamboulé nos paramètres d’improvisation.»
Le tournage effréné des 10 épisodes en seulement 5 jours a été un défi supplémentaire pour les acteurs. «La seule chose qu’on pouvait faire était d’être totalement à l’écoute de nos collègues, de l’oreillette dans laquelle on recevait des commandes et des réactions des autres. On est sorti de là épuisé, mais c’était hallucinant. C’était comme faire du bungee», illustre Marie-Ève Morency.
Tous, y compris les comédiens invités dont font partie Anne-Élisabeth Bossé, Julien Lacroix et Marie-Soleil Dion, sont à la hauteur de la mission quasi impossible qui leur a été confiée.
«Ils sont tellement habiles qu’on a ajouté au montage quelques réactions de ma part, souligne Stéphane Bellavance. Ça permet de rappeler que ce que vous voyez est improvisé. Si on avait laissé aller les acteurs, on aurait l’impression que c’est une sitcom écrite.»
Certaines scènes nées spontanément frôlent le génie. Les plus grands scénaristes n’auraient pu créer d’aussi beaux moments de folie. Deux mots à ce sujet: décolleté et salière.
Les 10 épisodes seront offerts dès jeudi sur Club Illico.