Tout simplement noir, comédie sur le racisme qui a cartonné en salles cet été en France, «a eu l’avantage d’ouvrir le débat sur les questions de diversité», estime son réalisateur Jean-Pascal Zadi dans un entretien à l’AFP.
«Maintenant, on fait un peu plus attention en France à toutes les questions qui touchent aux minorités et à la diversité. Ca se voit dans les films qui sortent, dans les choix aux César…», remarque Jean-Pascal Zadi, sollicité par le festival Canneseries pour faire partie du jury.
«Je suis content de faire partie du jury qui est composé de beaucoup de blancs, c’est bien que je sois là pour un peu inverser la tendance», plaisante celui qui, à tout juste 40 ans, s’est fait connaître du grand public cet été dans le rôle principal de Tout simplement noir, film qu’il a réalisé avec son ami John Wax.
Sorti en juillet, le film comptabilise plus de 760 000 entrées, un excellent score en ces temps de COVID-19, qui lui a ouvert des portes: il écrit, toujours avec John Wax, un deuxième film pour Gaumont. Une comédie, plutôt sociale, «mais pas sur la même thématique», avec un tournage prévu en 2021.
«Ca ne veut pas dire que tout a changé et que la France n’est plus la même, mais les choses avancent, lentement. Ceux qui ont vu Tout simplement noir me disent +je sais pas pourquoi je disais black avant, maintenant je dis noir et j’ai appris des trucs dans ton film», raconte-t-il.
«Aucun modèle»
Le film, un faux documentaire, réunit un grand nombre de personnalités noires et métisses, ainsi que des invités blancs, comme Mathieu Kassovitz ou Jonathan Cohen. Il suit le parcours d’obstacles de JP, un acteur raté, pour organiser la première grosse marche de contestation noire en France.
«Ca n’a pas été très compliqué de les convaincre car les gens avaient envie d’aborder cette thématique. Je suis arrivé au bon moment, tout le monde a compris l’intérêt du sujet rapidement, en deux ou trois semaines, c’était réglé», assure Jean-Pascal Zadi.
Avant Tout simplement noir, il avait sorti un documentaire sur le rap (2005) et trois films auto-produits, Cramé (2008), African gangster (2010) et Sans pudeur ni morale (2011), sortis uniquement en DVD mais qui ont plutôt bien marché.
«J’ai même pas essayé d’aller voir les chaînes de télé ou le CNC (Centre national du cinéma), parce que je n’avais pas les contacts et je me disais que de toute façon ils ne comprendraient pas ce que je raconte», souligne-t-il. «Parce que ce que j’avais envie de raconter, je ne le voyais pas à la télé ou au cinéma».
«Ces années-là ont été formatrices, ça m’a permis d’apprendre le métier. En tant que noir, c’est difficile de prétendre à être réalisateur quand t’as aucun modèle. Ca a été pour moi un très long cheminement parce qu’il n’y avait pas de référence. Aujourd’hui, les jeunes ont Ladj Ly. Nous on avait rien», poursuit-il.
«Le foot ou le rap»
Diplômé d’un BTS action commerciale, cet autodidacte a grandi dans les environs de Caen auprès de dix frères et sœurs, d’une mère femme de ménage et d’un père qui vivait de petits jobs.
Plus jeune, il fait du rap, «car quand t’es noir et que tu viens d’un milieu populaire il y a pas beaucoup d’options. C’est le foot ou le rap. J’ai fait les deux». «Le foot, c’était un échec, le rap aussi. Je me suis rabattu sur le cinéma», lance cet éclectique qui a aussi fait de la télé chez Canal+ et de la radio au Mouv.
Ce qui l’a poussé vers le cinéma? «L’ennui. Et le fait de se réapproprier sa vie parce que dans le milieu social duquel je viens, les gens subissent la vie. Je me suis dit que j’allais faire ce que j’avais envie de faire. Ca a été très long mais j’y suis arrivé».
Tout simplement noir est diffusé au Québec jusqu’au 31 octobre dans le cadre du Festival du nouveau cinéma.