À quelques semaines de la fin de l’année, les conservateurs et archivistes de musées se demandent comment ils raconteront la pandémie aux générations futures. La Smithsonian Institution a mené des entretiens virtuels avec 85 artistes et professionnels du milieu de l’art américain pour le Pandemic Oral History Project. Le but? Raconter comment la culture a fait face à une année sans précédent.
L’institution américaine a conduit ses entretiens entre juin et septembre sur l’application Zoom, où plus de 30 heures de discussion ont été enregistrées avec des artistes tels que Ed Bereal, Allana Clark, Nabil Mousa, Wendy Red Star et Krzysztof Wodiczko. Un format atypique pour les archivistes de la Smithsonian Institution, qui sont plus habitués aux interviews-fleuves menées en personne. Mais, pandémie oblige, ils ont été obligés d’adapter leur protocole pour «créer une archive permanente de ce moment extraordinaire pendant qu’il se déroulait en temps réel».
«Ce projet nous a donné l’occasion d’agir sur le moment, en utilisant une plateforme de communication très actuelle – Zoom – pour créer un témoignage historique significatif de cette époque sans précédent. Nous sommes reconnaissants à tous ceux qui ont participé et honorés de pouvoir préserver leurs réflexions», a expliqué Liza Kirwin, directrice par intérim de l’Archive of American Art, dans un communiqué.
Ces nombreux entretiens, dont les quinze premiers ont récemment été diffusés sur YouTube, illustrent les nombreuses conséquences des crises sanitaires, financières et sociales dans le monde de l’art américain et à l’étranger. Ils abordent également des thèmes universels tels que l’expérience du deuil, la parentalité, la maladie, ou le fait que les longues périodes d’isolement soient particulièrement propices à l’introspection.
«Je devais faire face à un autre problème physique [pendant la pandémie]. Et donc j’étais déjà en quarantaine. Je subissais une chimio, et je ne pouvais voir personne de toute façon. A cause du mode de vie de ma famille élargie, nous sommes tous mis en quarantaine ensemble. Donc, je ne ressens pas la solitude et l’isolement que la plupart des gens ressentent en ce moment», explique Jessie Benton, la fille du regretté peintre américain Thomas Hart Benton, au cours de son entretien.
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Des témoignages vidéo aux rêves
Les vidéos du Pandemic Oral History Project continueront d’être publiées sur la chaîne YouTube de l’Archive of American Art de la Smithsonian Institution dans les prochaines semaines. Si l’institution américaine a choisi de récolter des témoignages vidéo pour documenter la pandémie, d’autres musées à travers le monde préfèrent récolter des objets plus insolites. C’est notamment le cas du Museum of London, qui souhaite recueillir les rêves des Londoniens en lien avec la crise sanitaire.
Ce projet original, intitulé Guardians of Sleep (Gardiens du Sommeil), est mené en collaboration avec le Museum of Dreams (Musée des rêves) de la Western University en Ontario au Canada. En février 2021, les participants seront invités à partager leurs rêves lors d’un entretien sur Zoom mené par une équipe de chercheurs spécialisés en psychosociologie. Ces entretiens pourront ensuite être intégrés dans la collection permanente du Museum of London pour s’assurer que «les futures générations de Londoniens puissent connaître et comprendre cette période extraordinaire».
«Traditionnellement, lorsque les musées ont recueilli des rêves, c’était sous forme d’impression artistique, par exemple des peintures ou des dessins influencés par les événements, mais cela peut souvent dissocier le rêve du rêveur. Au lieu de cela, dans le cadre de l’initiative Collecting COVID, nous collecterons les rêves sous forme d’histoires orales à la première personne dans le but de fournir un récit plus émotionnel et plus personnel de cette époque pour les générations futures», souligne Foteini Aravani, conservatrice numérique du Museum of London, dans un communiqué.