Vitrine de la culture LGBTQ+ afro, Massimadi revient jusqu’au 12 mars pour une édition entièrement virtuelle et gratuite pour atteindre le plus grand nombre. Laurent Maurice Lafontant, coordonnateur du festival, nous a ainsi expliqué l’importance de mettre de l’avant ces créations.
Le thème de cette treizième édition du festival Massimadi est la résistance. Pourquoi?
C’est une thématique qui incite les gens à aller de l’avant. L’année 2020 avait une certaine lourdeur avec tout ce qu’il s’est passé, entre la COVID et les questions raciales, et ça continue en 2021… Nous avions donc la volonté d’une programmation qui ne déprime pas et qui annonce un futur plus positif. Au-delà des films, notre exposition Data Thieves s’inscrit bien dans cet état d’esprit, notamment avec l’oeuvre de Syrus Marcus Ware. La résistance, c’est vraiment pour dire qu’il y a des jours meilleurs qui nous attendent. Ça vaut la peine de tenir bon.
Comment cela se traduit-il dans votre sélection de films?
Nous voulions qu’ils soient encourageants et positifs, en ce qui concerne les relations amoureuses notamment. Le long métrage de Philippe Talavera Kapana en est un bel exemple. Il s’agit du premier film namibien gay. Venant du continent africain, c’est rare de voir deux hommes homosexuels amoureux à l’écran. Le sujet est généralement traité sous forme de documentaire mais là, c’est une fiction. En plus, Kapana est léger. Mais attention, léger ne signifie pas ignorer la problématique de l’homophobie. Ça n’a simplement pas une tournure tragique ou trop dramatique. On voit ce côté aussi dans Limelight de Claire Gostin, une production américaine qui se passe au Congo. En dépit de l’adversité, un couple formé par deux jeunes femmes noires éblouit les spectateurs et donne de l’espoir. Nous n’oublions pas non l’activisme et le militantisme avec des titres comme You mother’s comfort de Adam Golub, qui nous vient du Brésil.
De manière générale, quel message voulez-vous faire passer avec Massimadi?
Le festival est né en 2009 dans une optique de lutte contre l’homophobie et le racisme. Il a toujours eu lieu dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs parce que nous voulions y donner une place une place aux communautés queer. La diversité sexuelle est en effet tabou dans les communautés noires. Nous tenions aussi à souligner que la culture queer contribue aux cultures afros dans leur ensemble. En 2014, Massimadi a pris une tournure plus artistique pour promouvoir les réalités des personnes LGBTQ+ noires à travers le monde. Et celles-ci ne s’insèrent pas uniquement dans un discours d’oppression. C’est pour cela que c’est intéressant de raconter les histoires de gens qui s’aiment et qui vivent leur vie. Notre identité, peu importe notre communauté, passe généralement par la culture et les arts pour lutter contre l’invisibilisation. Le festival est là pour questionner le public, attiser sa curiosité et créer des échanges et des rencontres.
Il est aussi nécessaire pour nous de dire qu’il ne faut pas s’intéresser aux communautés noires seulement quand il y a des injustices et des abus. Cela nous ostracise encore plus. Il faut intégrer ces activités culturelles dans notre quotidien sans qu’elles ne soient systématiquement accompagnées d’un discours controversé. Massimadi existe au-delà des oppressions, qu’il ne faut cependant pas nier car elles font partie de nos vies évidemment.
Massimadi, qu’est-ce que ça veut dire?
Ça vient de deux termes péjoratifs en créole. D’abord, Massissi qui est utilisé en Haïti pour désigner les hommes gays, un peu comme on dirait tapette ou pédé. Madivin est pour les lesbiennes, les gouines. Nous en avons fait une contraction dans une optique de réappropriation et de fierté.
Un peu d’info sur l’exposition de Massimadi
Data Thieves: ce que nous transmettent nos archives
«Yannis Davy Guibinga et Syrus Marcus Ware ont deux approches artistiques distinctes, mais qui se rejoignent dans la façon d’imaginer le futur et d’entrevoir les diverses communautés noires. En tant que commissaire, je trouvais cela très intéressant de mélanger leur vision», nous dit la curatrice et chargée de projet à Nigra Iuventa Michaëlle Sergile. «Après tout ce que nous avons vécu dans les derniers mois, l’exposition est une façon d’alléger nos esprits et de se projeter dans un avenir palpable où les disparités n’existeraient plus», ajoute-t-elle.
Présentée à Never Apart les samedis jusqu’au 27 mars