Une notoriété faible, une présence discrète dans les médias et le silence de la critique n’empêchent pas l’écrivaine Virginie Grimaldi de rencontrer un succès fou avec ses romans «qui font du bien». Et le phénomène n’en est qu’à ses débuts.
En 2019, cette Girondine atteint la troisième place parmi les auteurs les plus lus en France (756 000 exemplaires au total). En 2020, année de Que ne durent que les moments doux, elle prend la deuxième (828 000 exemplaires), derrière Guillaume Musso. Elle est loin devant Marc Lévy ou Amélie Nothomb, à côté desquels elle passerait pour une inconnue.
Vu le démarrage de son roman paru le 12 mai, Les Possibles, elle semble partie pour cartonner tout autant en 2021, sinon plus.
«Les auteurs qui se vendent très bien ne sont pas tous des stars. Elle n’en est pas une et elle n’en a pas besoin», dit son premier éditeur, Frédéric Thibaud, chez City Editions.
Il n’a publié qu’un seul livre, Le Premier Jour du reste de ma vie en 2015. «Elle avait été refusée par d’autres éditeurs, alors qu’il était évident qu’elle avait une plume. Ensuite on n’a pas pu la retenir, quand les grandes maisons ont commencé à s’intéresser au genre qui est le sien. Ça fait partie de la vie de l’édition», se souvient-il, interrogé par l’AFP.
«Comme les bonbons»
Depuis sa signature chez Fayard en 2016, les ventes ont décollé.
Le premier best-seller s’appelle Le Parfum du bonheur est plus fort sous la pluie (2017). «Les personnages sont assez caricaturaux», déplore à l’époque Libération. Toutefois «Virginie Grimaldi a pour elle une certaine sincérité, une écriture parfois touchante, avec quelques scènes certes lacrymales mais qui fonctionnent».
«C’est comme les bonbons ou les doudous (…) Les gens ont envie d’entendre de chouettes histoires rassurantes», constate aujourd’hui Emmanuèle Peyret, la journaliste qui était préposée à ces critiques, forcément acerbes de la part d’un quotidien qui assume son élitisme culturel. Elle lui trouve comme atouts «une image médiatique simple et forte, un message clair», mais goûte peu sa «philo de comptoir empruntée souvent à ce pauvre Aristote».
Pour Marie-Aurélie Buffet, de la librairie Mollat à Bordeaux, «de plus en plus des clients viennent avec une demande spécifique: des livres lumineux, qui leur permettent de s’élever au-dessus de la dureté de la vie. Le succès de Virginie Grimaldi est facile à comprendre, avec des romans qui s’adressent à tout le monde, et des émotions, des sentiments dans lesquels chacun peut se reconnaître».
La libraire salue aussi le don de la romancière pour «entretenir une communauté» sur Facebook et Instagram, où l’autrice plaisante beaucoup, et se laisse aller à la confidence. Comme, en avril, le souvenir d’une fausse couche.
«Identification optimiste»
Ses romans dits feel good (qui font du bien) racontent tous la même chose. La narratrice et héroïne, jeune femme moderne évoluant dans la classe moyenne, se sort d’une situation personnelle compliquée par son opiniâtreté et sa vivacité d’esprit.
Tout chez Virginie Grimaldi participe à se plonger dans la situation, avec une héroïne à la vie assez commune d’un point de vue sociologique, qui peut faire d’elle la voisine, la meilleure amie, la fille, la nièce de millions de Françaises… «Une identification optimiste», d’après Marie-Aurélie Buffet.
Son ascension a surpris les spécialistes. Dans Best sellers, l’industrie du succès, livre de chercheurs paru en janvier chez Armand Colin, un chapitre sur «Les livres qui font du bien» évoque ses toutes les concurrentes de Virginie Grimaldi (Raphaëlle Giordano, Agnès Ledig, Anna Gavalda, Katherine Pancol, Agnès Martin-Lugand)… et pas elle. Pourtant, beaucoup de lecteurs trouvent qu’elle écrit mieux: moins de formules toutes faites, des rebondissements mieux amenés, des scènes et dialogues plus crédibles.
Michel Murat, agrégé et docteur en lettres, estime que le génie de ces autrices est de reprendre les thèmes du développement personnel «en les habillant d’une enveloppe romanesque».
«Il ne faut pas avoir de dédain pour ces livres. Mais pas les soumettre non plus à un jugement classiquement littéraire, sinon on ne voit que les clichés», explique-t-il à l’AFP. «Ils sont conçus et marketés en fonction d’attentes particulières. Je fais le parallèle avec les crèmes anti-rides: on essaie, ça ne coûte pas cher et ça réconforte».