L’heure est enfin arrivée pour la sortie de Souterrain, joyau cinématographique réalisé par Sophie Dupuis. Celle-ci y met en scène la révélation Joakim Robillard ainsi que Théodore Pellerin dans l’univers minier de Val-d’Or. Rencontre.
«Je pensais qu’avec Souterrain j’allais enfin changer de sujet, mais finalement j’ai encore fait un film de famille!» s’amuse Sophie Dupuis. Dans son deuxième long métrage, il est en effet question de la famille au sens fraternel du terme. Avec délicatesse et bienveillance, la réalisatrice nous plonge dans les entrailles valdoriennes à la rencontre d’une communauté de mineurs de sa terre natale.
«J’ai été fascinée et émue par cette solidarité qui unit les différentes générations. Elles se ressemblent, se comprennent et ont le même humour», souligne-t-elle.
Et de poursuivre : «Ils s’aiment ces gars-là. S’ils peuvent parfois être maladroits, c’est sûrement à cause de leur drôle de façon d’évaluer leurs succès personnels et de se sentir hommes. Ce sont en fait des tendres.»
L’essence de Souterrain se retrouve donc dans l’appartenance «et puis aussi dans cette obligation d’être attentif les uns aux autres». «Si quelqu’un descend dans la mine et qu’il n’est pas au bon endroit mentalement, émotivement, il peut mettre la vie de ses collègues en danger», prévient Sophie Dupuis.
Justement, Souterrain est également l’histoire de Maxime et Julien, admirablement incarnés par Joakim Robillard et Théodore Pellerin. Les deux sont unis par une amitié qui dure depuis leur enfance passée dans le cocon de la région. Mais leur relation est rongée par la culpabilité de Maxime: responsable d’un accident de la route, il s’en sort indemne alors que Julien en garde de graves séquelles.
«Cela me réjouit que les hommes aient un beau rapport à Souterrain. Je vois que le film les touche. C’est peut-être grâce à la dualité de mes personnages.» Sophie Dupuis
Masculinité complexe
«Je trouve que le sentiment de culpabilité est tellement envahissant. Il peut vraiment se propager dans tous les rapports aux autres», dit Sophie Dupuis. Dans le cas de Maxime, tout le monde est bien sûr au courant du drame, «car c’est une petite ville et qu’il y côtoie Mario (James Hyndman), le père de Julien, tous les jours à la mine».
Joakim Robillard a pour sa part été frappé par les remords de son personnage. «Maxime se sent coupable, et tout ça est amplifié parce qu’il a beaucoup de difficultés à communiquer ses émotions.»
De plus, Julien, qui se retrouve dans une grande solitude, dépend de Maxime. «Ils sont encore de bons amis, mais en même temps Maxime est un peu la cause de tous les malheurs de Julien», évoque Théodore Pellerin, dont c’est la deuxième collaboration avec la cinéaste après Chien de garde en 2018.
Une lourdeur flagrante pèse ainsi sur Maxime, car lui a dû redescendre à la mine tandis que son ami est resté paralysé. «Il bien conscient que la vie de Julien a complètement changée. Il n’a plus de blonde, peu difficilement avoir des relations sexuelles, alors que lui-même veut fonder une famille, mais n’y arrive pas… C’est compliqué de penser à tout ça», souligne Joakim Robillard.
Sophie Dupuis renchérit. Elle n’a d’ailleurs pas hésité à le pousser dans ses retranchements. «Mon but était vraiment d’écraser Maxime, de le montrer au plus bas. Je suis captivée par la violence au sens large. Je voulais en parler dans Souterrain, avec tout ce que ça implique sur le plan psychologique». On le voit très bien entre Maxime et Mario, qui vivent tous les deux dans une grande frustration.
La puissance de Souterrain
La beauté du film, après avoir visité la culpabilité, réside aussi dans l’exploration de la résilience façon Sophie Dupuis. C’est à dire avec sensibilité, empathie et sans jugement. «J’ai voulu contraindre Maxime avant de lui donner de la force», révèle-t-elle.
«Maxime va, à un moment, changer et passer par-dessus l’épreuve. Je fais notamment référence à la scène du bateau où il reçoit une petite approbation de Julien. Ça l’aide tellement!» affirme Joakim Robillard.
Si les mines demeurent un milieu principalement d’hommes, la réalisatrice réussit à éviter les écueils d’une masculinité toxique qui empoisonnerait l’ensemble. Joakim Robillard salue l’importance de cette dynamique. «Oui il y a du machisme, mais ces gars-là sont une gang de cœur et les femmes sont leurs égales. Elles sont capables de leur répondre.»
Sophie Dupuis ne s’est, en définitive, pas vraiment posé de questions sur le rôle tenu par les femmes, dont Catherine Trudeau, dans Souterrain. «Dans la réalité, il y a des femmes dans les bureaux, elles sont ingénieurs, géologues, infirmières, dans l’administration, etc. Elles ont leur place et je ne voulais pas les oublier. C’était nécessaire pour moi de les faire exister», précise-t-elle.
Des acteurs admiratifs
Enfin, Théodore Pellerin et Joakim Robillard ne tarissent pas d’éloges pour celle qui les a dirigés dans Souterrain. Ce dernier s’enthousiasme notamment pour le respect dont Sophie Dupuis a, en toute circonstance, fait preuve pendant le tournage de la première grosse production à laquelle il participe. «Je pense qu’elle aime découvrir de nouvelles personnes. Recevoir une invitation pour un de ses projets, c’est quand même incroyable!»
Théodore Pellerin, quant à lui, appuie sur l’expérience chaque fois singulière avec elle. «Sophie m’a encore plus impressionné cette fois-ci. Elle a cette capacité de mener une équipe avec tant d’amour et tant de bonheur. Son désir de coopération passe avant tout et agit toujours dans le calme, la sérénité, la maîtrise», mentionne-t-il.
Il se souvient à quel point Sophie Dupuis irradiait sur le plateau. «C’est enveloppant! On se sent libre comme acteur, parce qu’on peut toujours essayer de nouvelles choses et on sait qu’on ne va jamais être réprimandé pour ça. Seulement se faire guider doucement.»
Souterrain
En salle dès aujourd’hui