Le mot «douceur» sort à plusieurs reprises de la bouche de Mariana Mazza lorsqu’elle parle de son premier film, Maria, qu’elle a coscénarisé avec Justine Phillie et dans lequel elle tient le rôle principal. «C’est un film doux en tabarnak», dit-elle avec son franc-parler caractéristique.
Maria est une femme de 30 ans qui «a du potentiel, mais aucune esti de volonté», comme le lui dit en pleine face un personnage dans le film. Elle habite chez sa mère et elle se cherche. Lorsqu’elle apprend que cette dernière est mourante, elle se décide enfin à dénicher un emploi.
Après une audition peu fructueuse, mais très comique, pour obtenir un rôle payant – dans une scène dont le malaise est digne d’En audition avec Simon – elle se résout à poser sa candidature comme suppléante au secondaire, là où les besoins sont si criants qu’on embauche à peu près n’importe qui sans expérience. Au contact des élèves, Maria grandira.
Cette prémisse qui rappelle les comédies américaines de Judd Apatow a immédiatement plu à Alec Pronovost (Tony Speed, Le Killing), qui réalise ici son premier long métrage de fiction. «Maria est le genre de personnage qui m’allume en comédie, dit-il. Je trouvais rafraîchissant qu’il n’y ait pas d’histoire d’amour dans le film. C’est une comédie grand public, mais il n’y a presque pas de gars. C’est rare comme proposition.»
Ce que Mariana voulait
L’humoriste désormais scénariste et actrice, et toujours aussi verbomotrice, avait une vision très claire de ce qu’elle voulait pour ce premier film, qui ne sera pas son dernier, promet-elle.
Approchée par la productrice Nathalie Brigitte Bustos pour proposer une idée de film, elle a dit en somme : «Je veux quelque chose de léger. Je veux quelque chose de doux avec de belles relations féminines. Je veux voir des acteurs qu’on ne voit pas souvent. Je veux des caméos qu’on voit quatre secondes et puis bye bye!»
Beaucoup d’aspects qui font la réussite du film sont évoqués dans cette seule phrase. D’abord la légèreté de la comédie, avec ses blagues de Dance Mix 1998 et de gender reveal party, n’empêche pas Maria d’aborder des questions fondamentales comme la maladie, la mort, l’intimidation et la grossophobie.
Lorsqu’on la félicite pour le bel équilibre entre le rire et les larmes, elle renvoie ipso facto le compliment à Alec Pronovost. «C’est grâce à lui, dit-elle. Un moment donné, il m’a dit : “Tes blagues de caca, c’est le fun, mais il faut que tu doses”».
Le réalisateur assure en riant qu’il «adore les jokes de caca». Et, à l’opposé, il était primordial pour lui de ne pas «tomber dans la dramatisation». Son mot d’ordre a été parcimonie.
Au sujet des relations féminines, Mariana Mazza – qui au départ, voulait écrire un Bridesmaids à la sauce québécoise – tenait à mettre de l’avant un personnage ne se définit pas par une relation amoureuse, mais plutôt par ses relations familiales, amicales et professionnelles.
Distribution du tonnerre
Une autre des réussites de Maria est son impeccable distribution des rôles. Autour de Mariana Mazza gravitent des personnages joués par des actrices de talent, dont Alice Pascual, Florence Longpré et Isabel dos Santos.
S’ajoutent quelques seconds rôles et des caméos qu’on croirait avoir été écrits spécialement pour leurs interprètes. C’est notamment le cas de Korine Côté, véritable révélation dans le rôle d’une directrice d’école désabusée.
Des acteurs établis, dont Yves Jacques, Kathleen Fortin, René-Richard Cyr et Diane Lavallée, complètent cette distribution cinq étoiles le temps de scènes aussi brèves que mémorables. «Mais je ne veux pas que le film soit vendu avec ces visages connus, nuance la coscénariste. Je veux que le film soit vendu parce qu’il est touchant, beau et drôle.»
Au cœur de l’action, la comédienne porte le film sur ses épaules, lui donnant un souffle avec sa personnalité forte. Car il y a un peu de Mariana dans Maria. Après tout, il n’y a que deux lettres qui la différencient de son personnage.
«Dans sa relation avec le monde, il y a beaucoup de moi, commente la principale intéressée. Comme elle, j’ai longtemps manqué d’écoute; j’ai longtemps été là pour parler de moi. Ça m’a fait beaucoup de peine quand j’ai réalisé que j’ai perdu du monde autour de moi pour ça. Mais dans sa relation au travail, c’est zéro moi. Je suis super ambitieuse, je sais où je vais, j’ai un front de bœuf et je confronte.»
Si elle n’avait pas percé dans le milieu du divertissement, serait-elle devenue prof comme Maria? «Oui, tellement! Vraiment beaucoup! Tellement, tellement», répond-elle avec enthousiasme.
«J’avais envie que Maria soit le personnage que tous les élèves rêvent d’avoir comme prof. Moi, j’aurais aimé ça au secondaire.»
Mariana Mazza
Un peu comme dans Mr. Corman, nouvelle série sur Apple TV+ dans laquelle l’acteur américain Joseph Gordon-Levitt imagine comment serait sa vie s’il n’avait pas réussi professionnellement, Maria est une vision de ce qu’aurait pu devenir Mariana Mazza si elle n’avait pas percé en humour.
À la mention de cette série, elle s’emballe et cite d’autres œuvres qui l’ont inspirée, dont la populaire série Ted Lasso. «J’aime cette énergie, ce genre de personnage super génial, positif», dit-elle.
Si elle consomme beaucoup de drames comme Promising Young Woman, qu’elle a vu quatre fois, Mariana Mazza a un penchant pour «les films où tu es soulagée que ça se finisse bien», dit-elle en mentionnant Little Miss Sunshine et Good Will Hunting.
Un point tournant
Avec ce premier film, Mariana Mazza n’a pas l’ambition de révolutionner le septième art. «Ce n’est pas parce que tu écris un film qu’il doit aller à Cannes», dit-elle avant d’illustrer son propos en comparant la création d’un premier long métrage avec l’achat d’une première voiture. «Ce n’est pas une Ferrari. C’est plus comme une voiture usagée, sur laquelle il y a une scratch. C’est ça, Maria.»
Il reste que ce film tourné en un temps record de deux semaines et en pleine deuxième vague de la pandémie marque un point tournant dans sa carrière en montrant une nouvelle facette de l’humoriste reconnue pour sa personnalité exubérante.
«Lignes de fuite [long métrage présentement en tournage], est dans la même lignée. Mon personnage est super classe, très doux, très à l’écoute, pas du tout dans le punch et j’adore ça», dit celle qui tournera au Québec son deuxième spectacle solo Impolie à l’automne en plus de présenter une exposition de peintures en novembre et de publier un livre l’an prochain.
Maria
En salle ce vendredi