Culture

Oxmo Puccino: «On m’a toujours reproché mon rap»

Hamza Hizzir et Jérôme Guillas - Métro France

Oxmo Puccino ne cesse de se bonifier avec l’âge. Son dernier opus, plus éclectique que jamais, l’illustre à merveille. Entretien avec celui qui visite les FrancoFolies de Montréal samedi.

Depuis sa jeunesse parfois chaotique dans le 19e arrondissement, Abdoulaye Diarra, alias Oxmo Puccino, a tracé son chemin. L’autoproclamé Black Jacques Brel, qui lançait il y a près d’un an son sixième opus, Roi sans carrosse, a donné, en 1998, une grande claque au rap français dès son premier album, Opéra Puccino. Il a prouvé que cette musique stigmatisée pouvait s’appuyer sur des textes profonds et ciselés dans un français parfait. Oxmo Puccino a fait exploser les contingences du rap, quitte à s’attirer les critiques des puristes qui lui reprochent un certain embourgeoisement et sa dérive de chansonnier. Il répond avec les 11 morceaux de son récent album. Alors Ox’, patron actuel du rap français ou porteur de lauriers antiques fanés? Parole à l’accusé.

Pourquoi Roi sans carrosse?

C’est amusant, un roi qui arrive à pied. C’est de l’ego sans surdimension. Le roi sans carrosse, c’est le roi de lui-même, c’est le roi qui s’en fout, c’est celui qui est digne de lui, sans l’étaler, sans en faire trop. L’idée derrière ça, c’est de ne pas se priver de la valeur des gens à cause de leur apparence.

On vous a reproché de vous «boboïser», de donner des concerts acoustiques, de drainer un public de Blancs, de sombrer dans la chanson. Sucre pimenté, c’est une sorte de réponse à ces critiques?

(Rires) Ma réponse, c’est d’essayer de faire du bon travail. Celui qui n’est pas content n’a qu’à faire mieux, ou quelque chose qui m’efface. Je ne contrains personne à écouter mes morceaux. C’est un problème qui ne se pose pas, je suis moi-même et c’est le plus important. Après six disques, prêter attention à ce qu’on pense ou dit de moi, c’est la porte du suicide. Le plus important, ce sont les gens avec qui je m’entends, qui me comprennent.

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Dans le morceau Hé ouais! vous sembliez pourtant touché par les critiques, lançant : «On me demande de rapper comme il y a huit ans mais c’est pas possible…»

On m’a toujours reproché mon rap. Quand je racontais des histoires, je rappais mal, quand je rappais bien, je ne racontais plus d’histoires, quand je parlais de la rue, c’était trop comme-ci, quand je parlais de sentiments, c’était trop rose… Si j’écoute tout ce qu’on dit de moi, en bien ou en mal, je ne m’en sors plus. Tout ce qui compte, c’est que mon cœur batte lorsque j’ai une idée, que je sois heureux avec telle personne en studio et que le fruit de tout ça respire ces moments-là.

Vous vous êtes un peu éloigné des standards du rap depuis le début de votre carrière…
(Il coupe.) Mais ça veut dire quoi? C’est quoi les standards du rap? Les années 80-90? On parle du siècle dernier, là. La formule «un MC et un DJ», au départ, c’est lié à un manque de moyens : si les rappeurs avaient eu de l’argent, ils auraient eu des musiciens avec eux depuis longtemps. Et il y a longtemps eu un problème de compréhension : les techniciens et les ingénieurs ne comprenaient pas ce qu’on voulait et mixaient le rap comme de la variété.

Vous versez facilement dans la mélancolie sur vos albums. D’où vient cet état de spleen permanent?
Le problème, c’est que la tristesse dans mes textes éveille la tristesse de la personne qui les écoute. Elle reste sourde à sa propre tristesse jusqu’à ce que quelque chose l’allume. Cette personne a un problème avec sa tristesse, mais cela fait partie d’elle-même. Qui peut pousser le mensonge jusqu’à nier qu’il a de la tristesse en lui et le reprocher à celui qui l’évoque? On a tous de la tristesse en soi. Mieux vaut faire avec. Et puis, c’est très beau, la tristesse. Si on n’était que joyeux, on serait cons! Les gens qui ont manqué de tristesse finissent par se sentir coupables. Ils disent : «Je n’ai pas vécu de malheurs dans ma vie, j’ai eu beaucoup de chance.» Et ils s’en plaignent. (Rires) La mélancolie, c’est bien d’en parler. Ça fait partie de la vie, et puis ça soulage.

Oxmo Puccino
Au Métropolis
Samedi à 21 h

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