Ambiances et textures tantôt brûlantes, tantôt glaciales, accents électro, notes R&B, influences hip-hop, paroles cryptiques laissant dans leur sillage un flottement voluptueux… Pull My Hair Back, premier album de Jessy Lanza, paru sous la renommée étiquette londonienne Hyperdub – sur laquelle on trouve des artistes tels Burial et DJ Rashad – a révélé une musicienne et productrice qui allie grâce, sensualité et classe. À quelques jours de son retour à Montréal, l’artiste originaire de Hamilton nous parle de ses influences, de son enfance, de son studio, d’elle-même.
Avec son premier album, Pull My Hair Back, coproduit et coécrit avec Jeremy Greenspan des Junior Boys, la fée électro R&B Jessy Lanza a reçu des critiques élogieuses auxquelles elle ne s’attendait guère. Ancienne résidante de la métropole, Jessy est depuis rentrée dans sa ville natale, Hamilton, où elle a son studio, son cocon. «Je suis très heureuse ici, mais si quelqu’un me disait: ‘‘Heille! On a un studio que tu pourrais louer pour vraiment pas cher à Montréal’’, peut-être que je reviendrais!» lance-t-elle. En attendant ce jour-là, elle revient à Montréal mercredi prochain, au Divan Orange. Entretien ponctué de rires contagieux.
Votre album a été écrit et réalisé à deux, mais vous vous produisez seule sur scène. Est-ce que cela constitue un plus grand défi pour créer une atmosphère, tout en vous donnant un sentiment de liberté?
Eh bien, si quelque chose dérape, il n’y a personne sur qui m’appuyer, ce qui peut être assez angoissant! Mais j’aime jouer seule. Je trouve que c’est vraiment le public qui crée l’atmosphère et inspire la direction que le spectacle va prendre.
Quel genre d’ambiance vous préférez?
J’aime… le peu de lumière. Moins il y a de lumière sur scène, mieux je me porte! (Rires) Une machine à fumée, c’est pas mal aussi. Ouais! J’adore les machines à fumée.
On sait que votre véritable passion est la production. Est-ce dans votre studio que vous êtes le plus heureuse?
Assurément! C’est là que je passe la majorité de mon temps. J’adore jouer live, mais le studio, c’est un environnement beaucoup plus contrôlé!
Vous avez travaillé deux ans sur Pull My Hair Back. Est-ce que c’était difficile de laisser vos chansons aller après tout ce temps?
Oh non, pas du tout! Ça m’a fait du bien de sortir mon disque! Ça m’a VRAIMENT fait du bien, oui! (Rires)
Dans un récent article du Exclaim, on rappelait que votre chanson Fuck Diamond vous avait été inspirée par Black and Yellow de Wiz Khalifa et qu’avec cette pièce, vous aviez voulu faire un clin d’œil à «son appel à la vie insouciante». Vivre de façon indolente, est-ce une chose que vous faites, avez déjà faite et/ou aspirez à faire?
Oh mon Dieu, non! (Rires) Des fois, je trouve que ça serait sympa d’avoir assez de sous pour être nonchalante, mais je ne suis absolument pas en train de mener ce genre de vie! Ça ne fait pas partie de mes ambitions. Je trouvais simplement sa chanson divertissante.
Vous terminez votre album avec la pièce Strange Emotion. Quelle est l’émotion que vous trouvez la plus étrange?
Euh… l’anxiété? (Rires) C’en est une qui peut vraiment prendre des proportions démesurées et me faire sentir bizarre d’une façon peu souhaitable!
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À la sortie de votre album, certains critiques vous ont comparée à Grimes. Qu’avez-vous pensé de cette comparaison? Et que pensez-vous des comparaisons en général?
Je trouve toujours ça agréable d’être incluse dans un groupe, avec d’autres artistes, dans un mouvement. En plus, Grimes est tellement talentueuse que c’est très flatteur de lui être comparée. Cela dit, je ne sais pas si nos musiques sont si similaires que ça… Je pense que les gens trouvent qu’on se ressemble parce qu’on est toutes les deux des filles qui se produisent seules sur scène et qui font de l’électro. Ah oui! Et parce qu’on est toutes les deux Canadiennes!
Pour composer, vous utilisez souvent des logiciels, mais vous avez aussi une imposante collection de synthés vintage. Qu’est-ce qui vous pousse à aller vers eux?
Je trouve que l’équipement plus vieux possède un son analogique chaleureux qu’il est difficile de recréer numériquement.
Est-ce qu’il y a une part de nostalgie là-dedans?
Assurément! Notamment parce que j’utilise beaucoup d’instruments qui appartenaient à ma famille… Et puis, c’est toujours chouette d’employer un instrument en sachant qu’il a été utilisé sur un enregistrement en 1982 ou quelque chose comme ça… et qu’il fonctionne encore! (Rires) Que ces instruments aient une telle longévité, je trouve ça assez formidable.
Venant d’une famille de musiciens, vous êtes-vous déjà rebellée contre l’idée de devenir musicienne à votre tour?
Quand j’étais petite, mon père m’a inscrite à des cours de piano. J’ai toujours aimé ça et j’ai toujours voulu faire de la musique. Il n’y avait aucune autre option! J’allais enseigner. Ou me produire sur scène. Peu importe, j’ai toujours su que je ferais quelque chose en lien avec la musique.
Et quand vous ne jouez pas de musique…
… je fais des choses qui n’ont rien à voir et qui me permettent d’arrêter d’y penser! J’adore regarder des films. Ouais, j’en écoute beaucoup! (Rires)
Vous avez vécu à Montréal. Avez-vous senti que notre ville est le paradis pour musiciens qu’elle a la réputation d’être?
En fait, je trouve que Montréal, c’est un peu comme Hamilton : une ville pas trop chère où il y a beaucoup d’esprits très créatifs. À Toronto, par exemple, je ne sais pas comment les gens font pour avoir assez d’argent pour vivre! Quand on est artiste, Montréal est un endroit génial, mais je n’y gagnais pas suffisamment d’argent pour assurer ma subsistance, alors j’ai dû rentrer dans ma ville natale.
Vous avez étudié en jazz. Ça fait encore beaucoup partie de votre vie?
Plus comme avant. Désormais, si j’écoute des albums de jazz, c’est principalement pour voir s’il y a des échantillons cool que je pourrais utiliser dans ma propre musique, mais je n’écoute plus le jazz de la même façon que je l’écoutais lorsque j’allais à l’école pour ça.
Selon vos critères, qu’est-ce qui fait un bon échantillon?
Un son intéressant et impossible à recréer. Par exemple, sur certains enregistrements plus vieux, sur vinyle, il y a des sons de percussions incroyables qu’on ne peut trouver ailleurs.
On connaît votre grand amour pour Mariah Carey et Janet Jackson. Une collaboration avec ces deux grandes dames, ce serait votre rêve?
(Rires) Je ne pense pas que je pourrais me mesurer à elles, mais je les aime toutes les deux, chacune à sa façon. J’ignore si ce serait une collaboration de rêve, mais je sais qu’en grandissant, je les considérais comme mes idoles!
Un vœu pour 2014?
Je n’ai pas de vœu fantasmagorique. J’aimerais simplement continuer à faire des tournées, à sortir du nouveau matériel et à donner des concerts. C’est vraiment mon seul vœu!
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Jessy Lanza
Au Divan Orange
Mercredi à 21 h 30
