Arts et spectacles

Le FME fait vibrer Rouyn depuis 20 ans

Site principal du Festival de musique émergente en plein cœur de Rouyn-Noranda, rue Murdoch

Site principal du Festival de musique émergente en plein cœur de Rouyn-Noranda, rue Murdoch

C’est l’histoire d’un tout petit festival de musique undergroung qui a pavé la voie à un florilège de festivals en région investis de la mission de faire rayonner la musique des artistes d’ici dont les hits ne jouent pas forcément en boucle sur les ondes commerciales.

Vingt ans après sa fondation, le Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue (FME) n’est rien de moins qu’iconique. Et fait vibrer la ville de Rouyn-Noranda jusqu’à dimanche soir.

Plus de 90 artistes (principalement du Québec, mais d’ailleurs également) investissent rues, bars, théâtres et endroits inusités variés, pour le plus grand plaisir des plus de 30 000 festivalier.ère.s.

Rouynorandien.ne.s, mélomanes des quatre coins de la province et professionnels de l’industrie (dont une costaude délégation française en quête de perles à intégrer aux festivals outre-Atlantique) convergent vers ce party embrasant la municipalité de 43 000 âmes.

Réglons d’emblée le cas du fameux terme « émergent », qui a le tour d’en confondre certains, les Julie Doiron, Hay Babies, Gros Mené et autres artistes n’en étant plus à affûter leurs premiers concerts figurant à la programmation. Vingt ans après avoir surgi de la tête de Sandy Boutin pour décrire le son du festival, ce mot ratisse bien plus large que son sens premier.

Karine Berthiaume, cofondatrice et directrice artistique du FME, sous le soleil ardent au centre-ville de Rouyn-Noranda vendredi passé. Photo : Caroline Bertrand

Asteure, c’est peut-être les trucs qui se démarquent par leurs particularités et qui vont te surprendre agréablement. Il y a des artistes établis qui vont rester émergents toute leur vie parce qu’ils ont une démarche qui leur est propre ou qui ne répondent pas à certains critères.

Karine Berthiaume, cofondatrice et directrice artistique du FME

« Je pense qu’on est tous un peu “émergents” en Abitibi! », ajoute-t-elle rieuse en entrevue sous un soleil éblouissant.

Trois ami.e.s et une idée folle

Début de la décennie 2000. L’offre musicale dans la région laisse trois jeunes vingtenaires, Karine Berthiaume, Jenny Thibault et Sandy Boutin, sur leur faim, qui assouvissent leur passion des concerts à Montréal (à environ sept heures de route de Rouyn, doit-on souligner).

Un jour, Sandy lance tout bonnement à ses amies l’idée de réaliser leur propre spectacle de musique… émergente! Et Jenny (aujourd’hui responsable des communications et du marketing) et Karine, alors fraîchement diplômée en design graphique, ont embarqué, cette dernière proposant de concevoir « le logo et de la déco ».

Le trio fondateur du FME, Karine Berthiaume, Sandy Boutin et Jenny Thibault. Photo : Christian Leduc

Fin juin, le trio fondateur recevait son financement, et début septembre, il inaugurait le FME. « On a mobilisé les gens et on les a amenés dans notre folie », lance la directrice artistique, qui voit aujourd’hui à l’intégralité des aspects visuels du festival.

C’est ardu à concevoir de nos jours, mais les festivals de musique en région ne pullulaient pas il y a 20 ans. Le Festival en chanson de Petite-Vallée et le Festival de la chanson de Tadoussac (qui répliquait à l’hégémonique disco des années 80) étaient en selle depuis cette décennie. Or, à Montréal s’esquissait une scène événementielle plus marginale, Bande à part (défunt site de musique alternative de Radio-Canada), le festival électronique MUTEK et Pop Montréal ayant vu le jour au cours des deux années précédentes. 

Aujourd’hui, le Festif de Baie-Saint-Paul, La Noce au Saguenay, le Santa Teresa à Sainte-Thérèse ainsi que le Festival de la poutine de Drummondville (où la musique occupe autant de place que ledit plat réconfortant) constituent tant de descendants prisés du FME ayant émergé hors des grands centres. Et Karine se réjouit que ce dernier en ait inspiré d’autres.

Cette installation célébrant les 20 ans du Festival de musique émergente se dresse à côté de la scène de La Guinguette chez Edmund. Photo : Louis Jalbert

« La ville est FME »

Impossible de parler du FME sans parler de l’implication, vitale, de la population. « Ça appartient à tout le monde, ce festival-là. C’est la population au grand complet qui embarque dans la patente », affirme Karine.

« Ça nous étampe des sourires dans la face, et tout le monde vit au diapason parce qu’on reçoit plein de visite. Tout le monde est de bonne humeur, ça crée une ambiance chaleureuse. Et je pense qu’on est restés vrais. On n’a jamais voulu dénaturer la patente. »

« C’est effervescent, comme si la ville était en fête », corrobore Francine, une résidente rencontrée dans un café. « Les commerces, les restos sont pleins. C’est le fun. On est vraiment contents. »

« J’aime assez ça! », renchérit Maryse, qui habite à deux coins de rue du cœur du FME. « Il y a des gens de partout, ils sont partout sur les terrasses. Et c’est un festival pacifique. En plus, quand on habite pas loin, on profite de la musique. »

Toutes deux soulignent au passage la vitalité culturelle de Rouyn-Noranda, citant le Festival de cinéma international et le Festival des guitares du monde.

On était trois amis qui se sont pété un cartoon, mais pour réaliser quelque chose de cette envergure, il faut beaucoup de gens passionnés qui donnent du temps, de l’énergie et de leur jus de bras. C’est un projet au final collectif, communautaire.

Karine Berthiaume, cofondatrice et directrice artistique du FME

Selon la directrice générale du FME, Magalie Monderie-Larouche, « un ADN commun » lie la population. « Tout le monde attend le FME. On s’y donne rendez-vous. Et il y a des initiatives locales avec les commerçants : il y en a qui font des beignes, du chocolat en forme de licorne [inspirée de l’œuvre Monter une licorne de Marc Séguin, créée expressément pour les 20 ans du festival], qui font jouer la radio FME. Toute la ville est FME! »

Une petite délégation acadienne était venue écouter P’tit Belliveau, Les Hays Babies et Lisa LeBlanc au FME jeudi soir. Photo : Christian Leduc

À l’origine modeste avec sa vingtaine de concerts, le Festival de musique émergente a atteint sa pleine maturité, saturant la capacité touristique de la région.

Durant les 10 premières années, le nombre de festivalier.ère.s a grimpé à 25 000, 30 000, nombre qui se maintient depuis la dernière décennie entre 30 000 et 37 000, indique Magalie, qui souhaite préserver « le hype autour du FME, un défi en soi parce que le FME a plein d’enfants à travers le Québec ».

Et que souhaite pour sa part Karine Berthiaume pour l’avenir du festival en parfaite santé?

« Qu’on conserve l’énergie créatrice de base qui nous étampe tous un sourire dans la face, que ça perdure. La forme physique peut changer, la direction artistique va changer la prochaine année, mais c’est correct, ça se transforme. Mais il faut que les gens qui viennent travailler ici, les festivaliers et les artistes sentent encore cette affaire-là qui n’est pas contrôlable, pas imposable, la magie qui flotte. Il faut que ça reste entre les structures et les humains. C’est la vibe que je souhaite au FME pour le reste de sa vie. »

Car cette magie intangible, c’est aussi ça qui distingue le FME.

Karine Berthiaume exposera à Montréal

Karine Berthiaume, qui est également artiste multidisciplinaire, exposera ses tableaux à Montréal dans la bâtisse Belgo, rue Sainte-Catherine, du 12 au 19 septembre, dans la cadre d’une galerie éphémère aux côtés d’un autre artiste de la région, Martin Beauregard.

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