Le surdoué Benoît McGinnis enfile les tenues flamboyantes du rôle-titre d’Hedwig et le Pouce en furie jusqu’à samedi prochain à Montréal, avant de partir en tournée dans la province.
L’éminent metteur en scène et comédien René Richard Cyr a adapté en français le théâtre musical Hedwig and the Angry Inch, plébiscité tant à Off-Broadway dès ses débuts en 1998 qu’à Broadway ensuite, traduisant les paroles des chansons.
La scène du Studio TD, qui accueille l’irrévérencieuse punk-rockeuse Hedwig, chanteuse ni transgenre ni drag-queen, et son groupe Le Pouce en furie, est peut-être exiguë et propice aux concerts intimistes, mais Benoît McGinnis l’habite avec exubérance, faisant son entrée sur scène vêtu d’une grande cape pailletée — et les paillettes, Hedwig en est friande.
Le concert rock (ponctué d’une ou deux ballades) donne droit au public à de véritables prouesses physiques de la part du très flexible comédien-chanteur, éblouissant par son interprétation et son jeu de jambes, l’artiste — lui-même féru de comédies musicales — allant jusqu’à chanter accroupi en sautillant.
Elisabeth Gauthier Pelletier, une révélation
La pétulante « rock’n’rolleuse » partage la scène avec quatre musicien.ne.s au look tiré des années 90, mené.e.s par le guitariste André Papanicolaou, ainsi qu’avec son mari et choriste, le réservé Yitzhak, un ex-drag-queen, incarné par Elisabeth Gauthier Pelletier — une révélation vocale! (Ce rôle masculin a de tout temps été campé par une femme afin d’accentuer l’aspect non genré du récit.)
Elisabeth brille à quelques occasions sur scène, étant même appelée à (très bien) chanter des bribes d’I Will Always Love You de Dolly Parton, Yitzhak appuyant vocalement un récit de son amoureuse.
Récit, oui, car Hedwig, qui a grandi à Berlin-Est, en Allemagne, avant que ne soit abattu le mur, relate sa vie entre les chansons, de son enfance à admirer des icônes androgynes telles que Lou Reed, Iggy Pop ou David Bowie à ses amours étasuniennes déchues, en passant par l’opération chirurgicale ratée qui lui a atrophié le pénis.
Vulnérabilité croissante
Plus le spectacle — aux airs de stand-up — progresse, plus la salace et drolatique Hedwig se fait vulnérable au gré de ses confidences, offrant au public d’émouvants moments. On s’est sentie momentanément transportée au cinéma, rivée à ses paroles, lorsqu’elle racontait son idylle avec le jeune Tommy — qui connaîtra le succès en musique et lui usurpera une chanson. Hedwig ne s’empêche d’ailleurs pas de l’envoyer paître!
Après avoir troqué sa tenue punk glam en jean contre une robe noire inspirée des années 1920 (signées par le prolifique concepteur de costumes Sylvain Genois), l’énergique chanteuse délaisse peu à peu les artifices, jusqu’à sa perruque, en un signe de vulnérabilité entière. Et elle fera de la place à Yitzhak, à qui elle avait demandé de renoncer aux perruques pour l’accompagner sur scène.
Un spectacle atypique qui sait marier fougue et émotions.