Arts et spectacles

«Voie de contournement»: voulez-vous coucher avec moi ce soir?

Marc St-Martin et Marie-Evelyne Baribeau dans « Voie de contournement » à La Licorne.

À l’aube de la quarantaine, Lisa désire un enfant, le temps commence à compter. Or, son conjoint est infertile… contrairement au frère de ce dernier. À l’affiche jusqu’au 26 mai à La Licorne, la courte comédie dramatique Voie de contournement s’accompagne de hot-dogs et de boisson dans le cadre de la formule 5 à 7. 

Désespérée, Lisa (incarnée par Marie-Evelyne Baribeau) fait une proposition des plus insolites dans une chambre d’hôtel à son beau-frère, Marc (Marc St-Martin) : coucher avec elle à l’insu de son mari afin qu’elle tombe enceinte. Après tout, Marc et elle s’entendent bien. Et ce dernier représente désormais l’unique recours de celle qui a déjà investi une somme colossale en interventions de fertilité. 

Mais Marc, il l’aime bien, sa belle-sœur… et il trouve son frère royalement trou d’cul! Ces sentiments, le duo ne peut pas tant les contourner. Au contraire, il devra y faire face.  

Dans Voie de contournement, adaptation québécoise de la pièce écossaise Ring Road d’Anita Vettesse, Lisa (incarnée par Marie-Evelyne Baribeau) fait une proposition des plus insolites à son beau-frère, Marc (Marc St-Martin) : coucher avec elle à l’insu de son mari afin qu’elle tombe enceinte. Photo : Maryse Boyce

Heurts au passage 

L’incongruité de la situation et le passage à l’acte donnent évidemment lieu à des répliques fort comiques. Les dialogues, amusants et rythmés, sont justement le moteur de cette comédie de situation à la mise en scène minimaliste.  

La prémisse se teinte néanmoins de drame peu à peu, car une telle proposition, certainement engageante, ne se fait pas sans heurts émotionnels… Les désirs des protagonistes demeurent, après tout, inconciliables : l’une espère enfanter; l’autre, être possiblement aimé en retour.  

Les sentiments que se voit contraint de révéler Marc à sa belle-sœur donnent lieu à des moments émouvants, à l’instar de ceux où Lisa évoque le jugement dont elle fait l’objet de la part de parents parce qu’elle n’est pas mère. Pensons aussi à quand, au détour d’un appel sur haut-parleur du chum à son frère, sont dévoilées des facettes peu reluisantes du couple sur le déclin. 

Les pièces « qui touchent des cordes sensibles » et qui abordent des thèmes qui ne sont pas « nécessairement faciles » en recourant à l’humour, comme le fait Voie de contournement, intéressent particulièrement Marc-André Thibault. C’est lui qui signe cette première traduction française de Ring Road d’Anita Vettesse, créée en Écosse en 2019, en plus de la mettre en scène. 

« Les deux sont attachants à divers moments de la pièce, les deux ont de super beaux côtés et des défauts bien assumés, poursuit-il. Un personnage juste gentil ou méchant, ce n’est pas intéressant à regarder. Voir leurs failles et leurs désirs qui les poussent à mentir, parce qu’ils ont une pulsion, je trouve ça vivant. C’est beaucoup plus humain. »  

Marc-André Thibault, directeur artistique de Théâtre Bistouri, signe la mise en scène et la traduction de Voie de contournement. Photo : Éva-Maude TC

De l’écossais au québécois 

L’on comprend que Marc-André Thibault ait trouvé cette traduction plutôt simple à effectuer en comparaison de certaines plus complexes qu’il a réalisées par le passé. 

Ce genre de huis clos à deux personnages qui parlent de relations a en effet cette assise universelle qui se prête tout autant à Glasgow qu’à une banlieue anonyme québécoise, nous semble-t-il. Le principal défi, indique Marc-André, a simplement été d’adapter les référents culturels, le tout avec l’aval de l’autrice écossaise, qui l’a « laissé aller ».  

Féru de la dramaturgie du Royaume-Uni, il compte déjà une dizaine de traductions à son actif, dont des pièces du Britannique Martin McDonagh, reconnu pour son humour noir. 

Des pièces en un acte, telle Voie de contournement, se prêtent à la formule 5 à 7 qu’ont adoptée La Licorne et Duceppe, inspirée du concept écossais A Play, a Pie and a Pint. Photo : Maryse Boyce

Exporter la formule 5 à 7  

Lorsque Marc-André Thibault cherche des projets d’adaptation, il se penche notamment sur les pièces en un acte (une forme théâtrale moins répandue au Québec, observe-t-il), idéales dans le cadre des conviviaux 5 à 7 de La Licorne, que gère depuis quatre ans le Théâtre Bistouri, dont il est le directeur artistique. Sa compagnie y destine deux pièces d’une heure par année, au printemps et à l’automne. 

La pièce originale d’Anita Vettesse avait justement été créée dans le cadre du concept A Play, a Pie and a Pint, celui-là même qui a inspiré tant les 5 à 7 de Duceppe que ceux de La Licorne, où le hot-dog (avec option végé) se substitue à la tourte à la viande pour accompagner la bière et la pièce d’une heure. 

Théâtre Bistouri travaille aujourd’hui à implanter la formule partout au Québec et même dans le nord de l’Ontario, afin que « d’autres publics puissent en bénéficier, de dynamiser et de renouveler le public », affirme son fondateur, aussi comédien. 

« C’est un format super accessible, rappelle-t-il. La pièce ne coûte pas cher, tu as une collation, une bière, c’est plus tôt dans la soirée. Ça fait un an qu’on tourne un show [en formule 5 à 7] en région, et on y voit déjà un public qu’on ne retrouvait pas habituellement dans les salles. On réussit à accrocher du nouveau monde grâce à ça. » 

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