Apparemment un demi-million, donc, à envahir les rues de la métropole. Cinq cent mille à clamer, haut et fort, un message qui l’est tout autant: le temps de l’indigence de l’action dans la lutte contre les réchauffements climatiques est révolu. Idem pour l’idée de prendre l’électorat, cette bonne pâte dodue, pour un imbécile. Re-idem pour cette posture, fallacieuse et empreinte d’iniquité, qui veut que l’individu, plutôt que l’entreprise (saviez-vous que 100 corporations sont responsables de 70% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde?), soit responsable de la survie de l’humanité. Les pancartes, limpides et sans équivoque, confirment ledit message. Les chants de la foule, drôles mais percutants, aussi. Les politiciens venus téter quelques votes en toute duplicité? Pas vraiment les bienvenus, parlez-en aux œufs lancés en direction du premier ministre sortant.
Cela dit, en marchant aux côtés de ma fille et de ses amies cégépiennes, je demeure, malgré l’atmosphère indéniablement bon enfant de la manif, quelque peu triste, voire aplati. Oui, cette journée se veut d’exception, mobilisatrice, et galvaude des milliers de citoyens qui, en son absence, auraient laissé l’enjeu environnemental là où il se trouve depuis trop d’années: dans les oubliettes de l’agenda gouvernemental. Mais reste, soyons honnêtes, la crainte que d’ici quelques jours, et encore davantage après quelques semaines et mois, cette giganteste ferveur populaire s’amenuise graduellement, et bye-bye l’effet pression.
«Parce qu’on ne parle pas ici de Woodstock en Beauce, mais bien de survie de… l’humanité.»
Malheureusement, quelques indices tendent à confirmer mes craintes: dès le lendemain de la marche, je mets la main sur une nouvelle toute fraîche annonçant que le gouvernement Legault, celui-là même qui venait d’appuyer la veille une motion déclarant l’urgence climatique, avait peu avant dérèglementé, en catimini bien entendu, certains secteurs où sévissent les plus grands émetteurs québécois de CO2, dont les cimenteries. Je dénonce évidemment l’affaire sur ma page Facebook, et la publication se ramasse avec une poignée de «likes», et ce, plus de deux ou trois heures plus tard. Rien à voir avec mes photos de la veille en direct de la marche, qui se sont tapées des 300 à400 «likes». Ironique? Mettons. Surtout que toutes les autres annonces du genre auront imité la première.
À se taper la tête sur les murs. Pire : entre toutes ces nouvelles encore une fois catastrophiques (vous savez que 16 millions de personnes ont été qualifiées de réfugiés climatiques l’an dernier, et que ce nombre devrait atteindre les 200 dans 20 ans?), me passent sous la gueule des publications de quidams encore en liesse qui demandent : «Salut Facebook! Sais-tu quand aura lieu la prochaine marche pour l’environnement? Merci!»
Euh… Dites donc, Messieurs Chose, elle devait servir à quoi, cette marche, d’après vous? À part le fait que c’était ben cool, on en retient quoi? Parce qu’on ne parle pas ici de Woodstock en Beauce, mais bien de survie de… l’humanité. Pas un party, mettons. Plutôt une lutte. Pas une mode passagère, mais bien une guerre à finir entre l’Homme et sa bêtise. C’est pas une boum, les amis, mais bien un acte de rébellion envers tout un système, culture et mode de pensée intégré depuis déjà trop longtemps. Et sa première expression, au-delà de la marche, se doit d’être indubitable: tenir par vous-savez-quoi la négligence et la frime politicienne.
Au moment de conclure ces lignes, mon alarme nouvelle sonne. Devant des leaders de l’industrie forestière, le ministre des Forêts, Pierre Dufour, lui annonce qu’elle pourra couper davantage de bois dans les prochaines années, qu’elle aura accès à des territoires plus vastes et obtiendra des incitatifs afin de couper dans des secteurs moins lucratifs, comme les flancs des montagnes. Visionnaire et pédagogue, monsieur le ministre tâche même d’en apprendre à la science: «L’augmentation de la production de bois, l’augmentation de la récolte permettra d’augmenter la séquestration de carbone en forêt.» Traduction: couper plus d’arbres réduira les gaz à effet de serre.
La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. La CAQ, c’est le respect du quotient intellectuel collectif.
Pitié.