Sur l’avenue du Mont-Royal, entre un coiffeur et un magasin de beignes, le Cinoche n’est rien de moins que le dernier club vidéo du Grand Montréal. Réunissant près de 13 000 films dont les origines sont loin de se limiter au continent américain, le Cinoche est un point de repère pour les cinéphiles de la ville et pour les familles du quartier.
Luc, le propriétaire avide de cinéma, se réjouit d’être en mesure d’offrir une telle collection à sa clientèle.
Lui? Ce sont «les drames» qu’il préfère. Il «aime quand ça va mal», précise-t-il, sourire en coin.
Je veux continuer à opérer le vidéo le plus possible pour avoir le temps de regarder les films. Je n’aurai probablement pas le temps de tous les regarder d’ici ma mort, mais j’aimerais ça en voir le plus possible.
Luc, propriétaire du Cinoche
Mais si la passion se maintient, tenir un club vidéo en 2022 n’est pas le domaine entrepreneurial le plus lucratif. «La clientèle a diminué depuis qu’on est ouvert. Le chiffre d’affaires a diminué de 80%», dévoile Luc.
Parmi ceux qui continuent à fréquenter l’établissement, lequel était beaucoup plus achalandé avant l’avènement des plateformes de streaming, on trouve notamment des étudiants en cinéma. «Ils aiment ça venir ici parce qu’il y a des films qu’ils ne peuvent pas trouver en ligne», remarque Luc.
L’autre client type de l’industrie de la location de films, dont les sept établissements restants au Québec font parfois office de musées, est le «nostalgique», explique Luc. «Il y a beaucoup de monde, des parents, qui amènent leurs enfants ici pour leur montrer comment ils regardaient des films quand ils étaient jeunes.»
Nécessairement, la survie du commerce est compromise. «J’ai mis le local à vendre au mois de février, l’an dernier», dit Luc. «Ce qui me faisait le plus mal, c’est que si je vends le local, je vends mes films, puis là, je ne pourrai plus regarder mes films». S’il doit s’en départir, Luc aimerait au moins que sa collection imposante, qui comprend des copies rares, demeure réunie. «Je m’étais renseigné auprès des bibliothèques et de la Grande Bibliothèque pour voir s’ils seraient intéressés à prendre ma collection.» Une façon pour ses actuels clients et lui de «continuer à regarder [leurs] films à l’endroit qui les aurait pris», dit Luc. Malheureusement, faute d’espace et de budget «ça n’avait pas l’air de les intéresser plus qu’il faut».
Luc s’est toutefois récemment fait donner une idée par l’un de ses clients réguliers qui ne voulaient pas voir le club vidéo disparaître: transformer le local en «mini salle de cinéma». «Le monde pourrait non seulement continuer à profiter de la collection, mais je pense que ça permettrait aussi d’amener de nouveaux clients». Beaucoup d’entre eux «viendraient ici pour regarder des films, puis ils s’apercevraient qu’ils pourraient louer des films en même temps», ce qui permettrait «d’augmenter le chiffre d’affaires», croit Luc.
Le projet est toutefois loin d’être concrétisé. Il faudra que Luc reçoive une permission de la Ville, que les rénovations se fassent et qu’il ne reçoive pas prochainement une offre alléchante pour son local…
Dans le cadre de notre série P aime E, Métro va à la rencontre d’entrepreneurs passionnés par leur commerce, qui laissent leur marque dans leur quartier.
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