Malgré des nouvelles réjouissantes sur le marché du travail au pays le mois dernier, les emplois offrant un revenu constant et prévisible sont toujours moins nombreux.
Novembre a été un mois faste pour le marché du travail au Canada. En effet, pas moins de 79 500 nouveaux emplois ont été créés, la plus forte augmentation des 12 derniers mois. Le taux de chômage a donc fortement diminué, passant de 6,3% à 5,9%. Les chiffres pour le Québec sont tout aussi impressionnants. Le taux de chômage s’est établi à 5,4%, un creux historique, grâce à 16 200 nouveaux emplois.
Depuis environ un an, les bonnes nouvelles sur le marché du travail s’accumulent. Nos gouvernements s’en réjouissent tout naturellement et attribuent cette «croissance» à la sagesse de leurs politiques. Pourtant, notre marché du travail présente des signes de faiblesse importants, et il faut se méfier des résultats des enquêtes mensuelles, qui nous offrent un portrait manquant de perspective.
Ainsi, les résultats du dernier recensement montrent que les adultes de 25 à 54 ans, le groupe d’âge habituellement le plus actif sur le marché du travail, sont de moins en moins nombreux à occuper un emploi à temps plein toute l’année. En 2015, seulement 49,5% des travailleurs de ce groupe d’âge occupaient le même emploi à temps plein durant toute l’année. C’est le niveau le plus bas enregistré depuis 1980. Cette baisse a été notée tant chez les femmes que chez les hommes, mais est plus marquée chez ces derniers, un phénomène qu’on observe un peu partout dans le monde occidental.
Or, un emploi à temps plein toute l’année assure un revenu constant et prévisible. Il permet de planifier ces dépenses, de prévoir son avenir et de jouir d’une certaine sécurité. Aujourd’hui, il est remplacé par l’emploi à temps partiel; d’ailleurs, environ 60 % des nouveaux emplois canadiens créés en novembre étaient à temps partiel, et sur appel souvent si on en juge par les pratiques de plusieurs employeurs. L’emploi à temps plein est aussi remplacé par les emplois autonomes, occasionnels ou à la pige. Aucune de ces formes d’emploi ne permet de prévoir son revenu d’un mois à l’autre. Comme nos dépenses sont fixes, bien des travailleurs se demandent s’ils pourront joindre les deux bouts et vivent dans une incertitude constante.
Plusieurs experts croient que la croissance de ces formes précaires d’emploi, et la diminution conséquente des emplois à temps plein et à l’année, sont responsables de la faiblesse des salaires. Dit simplement, bien des employeurs éviteront d’engager des travailleurs à temps plein et pour toute l’année s’il leur est possible de sauver des sous en offrant de la pige et du temps partiel.
Or, les gens doivent pouvoir vivre de leur emploi, c’est-à-dire gagner suffisamment pour pourvoir à leurs propres besoins ainsi qu’aux besoins de ceux dont ils sont responsables. Contrairement aux emplois à temps plein et à l’année, les nouveaux emplois créés le permettent de moins en moins. Il n’y a pas forcément de quoi se réjouir!