Le patronat souhaite s’affranchir de la loi obligeant certaines entreprises à investir 1% de leur masse salariale dans la formation du personnel. Pourtant, investir dans le développement des compétences de la main-d’œuvre stimulerait davantage l’économie qu’il n’y serait un frein.
«Pour les entreprises, s’impliquer dans la formation des employés ne constitue pas un frein, mais un investissement», rappelle Sylvain Proulx, coordonnateur du Centre de perfectionnement ESG UQÀM. Une approche validée au niveau mondial par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui indique d’ailleurs que «l’investissement dans l’instruction et dans la formation [des employés] a un rendement économique évident».
Valoriser le capital humain
Au Canada, plusieurs études font déjà état du retard que le pays accuse au chapitre de l’investissement dans de la formation de la main-d’œuvre. Cependant, selon les experts en ressources humaines, le capital humain est bel et bien la ressource sur laquelle les entreprises doivent aujourd’hui miser.
Dans d’autres États, comme «en Allemagne, les entreprises investissent volontiers dans la formation professionnelle et il y a très peu de remises en cause parce qu’elles savent justement que ça va leur rapporter», compare Yves Chochard, professeur rattaché à l’Observatoire compétences-emplois de l’UQAM (OCE).
Dans un contexte où les entreprises québécoises se plaignent de manquer d’employés compétents, M. Proulx perçoit la critique de la loi du 1 % comme une erreur de jugement. «Une entreprise qui n’investit pas dans son capital humain est une entreprise qui est amenée à stagner, prévient-il. Il en va de la capacité de rétention, d’innovation et de compétitivité des entreprises.». Voilà un aspect que les entreprises des secteurs de pointe (TIC, biopharmaceutique, aéronautique) ont compris, puisque certaines d’entre elles investiraient jusqu’à 10 % de leur masse salariale en formation.
Former ou payer
Bien que les investissements dans la formation des employés représentent à long terme le principal atout concurrentiel pour une entreprise au Québec, plus d’une entreprise sur dix ne finance pas de formations et préfère reverser ce 1% au Fonds national de développement et de reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre.
Mais, si toutes les entreprises allouaient 1% de leur masse salariale en formation, «ce fonds ne devrait plus exister!», insiste Sylvie Ann Hart, coordinatrice de l’OCE, qui déplore que les entreprises se détournent en quelque sorte de leur responsabilité en redonnant ainsi de l’argent au gouvernement. Pour la chercheuse, il faudrait même que les employeurs dont la masse salariale est de 250 000$ et plus soient concernés par la loi, comme c’était le cas avant que seules les entreprises dont la masse salariale est d’au moins 1 M$ ne soient assujetties à la loi.
Aussi, «les entreprises évaluent peu les impacts des programmes de formation mis en place en termes de résultats. Or c’est le seul moyen de se rendre compte de leur utilité », termine Yves Chochard. L’adoption de méthodologies de suivi et d’évaluation des formations financées permettrait certainement aux employeurs de mieux apprécier le retour sur investissement de ces dépenses.